Par une décision du 5 juin 2023, le Conseil d’État écarte l’article 1792-7 du Code civil du champ d’application de la garantie décennale en matière de marché de travaux.

On sait déjà que l’engagement de la garantie décennale peut viser tout type d’ouvrage et d’équipements, comme une piste d’athlétisme, une salle de classe subissant des infiltrations d’eau ou encore un carrelage glissant dans une piscine.

Mais, qu’en est-il des éléments d’équipement d’un ouvrage visés par l’article 1792-7 du Code civil qui ne sont précisément pas qualifiés comme tels lorsque leur « fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage » ?

Les faits :  le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) remplace une centrale à eau glacée et une centrale de traitement d’air. Il refond la ventilation d’un atelier. L’installation dysfonctionne.

Dans sa décision, le Conseil d’État rappelle que :

Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage s’ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d’équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n’est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l’ouvrage lui-même impropre à sa destination.

Rapprocher de : CE, 15 avril 2015, commune de Saint-Michel-sur-Orge : n°376229

Pour autant, il pourrait être tentant de qualifier une centrale à eau glacée et une centrale de traitement d’air ainsi que la refonte d’une ventilation en éléments d’équipement d’un ouvrage dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle.

Le Conseil d’État l’écarte en ces termes :

les dispositions de l’article 1792-7 du Code civil, aux termes desquelles : « Ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage », ne sont pas applicables à la garantie décennale à laquelle sont tenus les constructeurs au titre de marchés publics de travaux.

D’une part, l’application des dispositions de l’article 1792-7 du Code civil aux marchés publics aurait conduit à réduire notoirement le périmètre de la garantie décennale, compromettant la situation de nombreuses administrations utilisant des équipements précisément pour l’exercice d’une activité professionnelle (recherches, restauration, transport, etc.).

D’autre part, l’on constate que la liberté prise par le Conseil d’État n’a d’autre source que sa reformulation du principe de la garantie décennale en 2015, s’affranchissant du carcan du Code civil pour n’y trouver qu’une source (discrète) d’inspiration (CE, 15 avril 2015, commune de Saint-Michel-sur-Orge : n°376229, précitée).

Les maitres d’ouvrage publics peuvent souffler et rallumer la centrale à eau glacée.


CE, 7-2 chr, 5 juin 2023, société Rousseau : n°461341, Lebon T.