Par un arrêt du 24 mars 2022, la Cour administrative d’appel de Bordeaux offre une nouvelle illustration de l’application du régime de la garantie décennale, ici en présence d’une piscine publique.
Ce après des infiltrations d’eau et des fissures dans un établissement scolaire et une piste d’athlétisme.
Ici, la commune de Pau avait procédé à une importante rénovation d’une piscine. Si les travaux ont été réceptionnés en 2011, des désordres sont très vite apparus, la commune ayant constaté que le carrelage était glissant dans différentes zones, et que le dosage du chlore de l’eau était anormalement élevé, provoquant une pollution de l’air.
L’arrêt reprend un considérant synthétique et éprouvé :
Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs dès lors que les désordres leur sont imputables, et sauf faute du maître d’ouvrage ou cas de force majeure.
Et la Cour de relever que :
dès la réouverture de la piscine après l’achèvement des travaux de rénovation, plusieurs plaintes d’usagers ont été déposées à la suite de chutes sur le carrelage, du fait de son caractère glissant. L’expert relève l’existence de zones glissantes qui, bien que localisées, représentent un risque de chute, et qualifie ces différentes zones de « dangereuses ». Par suite, et nonobstant la circonstance que seul 5,5 % des sols de la piscine étaient concernés, les désordres litigieux rendent l’ouvrage impropre à sa destination et sont de nature décennale.
C’est donc aux termes d’une analyse in concreto que le juge engage la responsabilité du maitre d’œuvre, sans s’attacher à l’ampleur du désordre, mais plutôt à son incidence sur la vie quotidienne de l’ouvrage – ici, des chutes répétitives -.
Les décisions impliquant le régime de la garantie décennale et un équipement aquatique sont nombreuses et rares sont les cas ou le recours du maître d’ouvrage public tombe à l’eau :
- » Les désordres [qui] affecte[nt] le local technique consistent en une oxydation avancée de la tuyauterie, résultant d’infiltrations et de ruissellement en raison de défauts d’étanchéité de l’installation. Ces insuffisances des raccords et la présence de joints de canalisation non étanches conduisent notamment à des écoulements au goutte à goutte sur les vannes et les tableaux électriques. Ce désordre est susceptible de provoquer des dégâts pouvant affecter le système de traitement des eaux ainsi que le tableau électrique et faire obstacle au fonctionnement de l’ouvrage dans son ensemble, le rendant impropre à sa destination » (CAA Nancy, 4e ch. – formation à 3, 27 sept. 2022, n° 19NC02551) ;
- s’agissant du cisaillement d’un des poteaux support du toboggan aquatique (TA Orléans, 1re ch., 13 juill. 2022, n° 2002720) ;
- s’agissant de « fissurations affectant le radier du bassin ludique et le réseau de refoulement du même bassin, les ruptures affectant les canalisations reliant ce bassin au local technique, celles reliant le bac tampon qui relie ce bassin et le local de filtration, celles reliant le local technique et le pédiluve ainsi que le réseau gravitaire de surverse du même bassin rend[a]nt l’ouvrage impropre à sa destination » (CAA Bordeaux, 3e ch. formation à 3, 25 avr. 2022, n° 19BX04618) ;
- ou encore s’agissant des désagrégations, fissurations ou décollements de nombreux carreaux et des dégradations de joints, de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs impliqués dès lors qu’ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination (CAA Nantes, 4e ch., 25 mars 2022, n° 20NT02881).
Aussi, en présence de désordres survenus dans la période décennale, ne pas hésiter à faire le grand saut !
CAA Bordeaux, 7e ch., 24 mars 2022, commune de Pau : n°20BX00920.