Si l’image d’illustration peut paraître excessive (#René Magritte), force est d’admettre que le Conseil d’État opère une approche rénovée de la notion de zone agricole qui a de quoi laisser songeur.

Ainsi, par une décision du 3 juin 2020, il est jugé :

après avoir relevé que les cinq parcelles dont les requérantes contestent le classement en zone A du plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Nolff sont situées en limite ouest du territoire communal, en dehors des parties urbanisées de la commune, dans une partie de son territoire qui présente, très majoritairement, un caractère agricole, la cour a pu, sans erreur de droit, ne pas rechercher si les parcelles en cause présentaient elles-mêmes un caractère de terres agricoles, mais se fonder sur la vocation du secteur en bordure duquel ces parcelles se situent, dont le caractère agricole est avéré, sur le parti d’urbanisme de la commune, consistant à ne pas permettre l’étalement de la zone urbaine contiguë à ce secteur sur le territoire de la commune voisine de Saint-Avé, et sur la circonstance que les parcelles en cause ne supportent que des constructions légères et des aménagements d’ampleur limitée, pour apprécier la légalité du classement des parcelles en zone A. Elle n’a pas fait peser sur les sociétés requérantes la charge de la preuve de l’absence de tout potentiel agronomique, biologique ou économique du secteur en cause.

En clair, il n’est plus tant demandé au juge de rechercher si les parcelles ont elles-mêmes un caractère agricole, mais si les abords de celles-ci ont un caractère agricole avéré, en cohérence avec les autres documents du PLU (PADD notamment). Au cas présent, l’une des parcelles avait le profil suivant et a été classée en zone agricole :

Sans trucage. L’on distingue nettement qu’il s’agit d’un site industriel, minéralisé, occupé et bâti. Cette position ne manque pas de surprendre pour au moins trois raisons.

D’une part, le Conseil d’État se livre à une approche globale et générale d’un classement, sans tenir compte des spécificités propres de la parcelle concernée. Mais au risque de gommer toute forme de nuance. D’autre part, le Conseil d’État opte pour la subjectivisation du choix d’un zonage en le réduisant au bienfondé de la justification contenue aux documents du PLU. Néanmoins, c’est ici réduire le choix d’un zonage à un problème formelle et peu ou prou déconnecté du territoire. Enfin, l’on s’interrogera sur la place laissée à l’erreur manifeste d’appréciation en matière de zonage, qui semble subrepticement substituée par un contrôle infra-minimum…voire aucun contrôle du tout.

Bref, tout est agricole, rien n’est agricole ?


CE, 3 juin 2020, sociétés Inerta et Océane : n°429515