Par une décision du 5 avril 2022, le Conseil d’État revient sur les modalités d’exécution d’une décision du juge pénal décidant la remise en état des lieux.

Pour mémoire, le droit pénal de l’urbanisme est encadré par les articles L. 480-1 et suivants du Code de l’urbanisme.

Pour mémoire également, la prescription de l’action publique ne court qu’à compter du jour où les installations sont en état d’être affectées à l’usage auquel elles sont destinées. De même, les travaux réalisés par un tiers sur un terrain qui ne lui appartient pas engage néanmoins la responsabilité pénale du propriétaire de ce dernier.

Ici, il est question d’un autre aspect de ce droit pénal spécial : à quel moment l’administration est-elle tenue d’agir en lieu et place de la personne condamnée à la remise en état des lieux ?

En la matière, l’on sait déjà depuis 2019 que :

au terme du délai fixé par la décision du juge pénal prise en application de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, il appartient au maire ou au fonctionnaire compétent, de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers, sous la réserve mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 480-9 du code, de faire procéder d’office à tous travaux nécessaires à l’exécution de cette décision de justice, sauf si des motifs tenant à la sauvegarde de l’ordre ou de la sécurité publics justifient un refus. En outre, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation d’urbanisme visant à régulariser les travaux dont la démolition, la mise en conformité ou la remise en état a été ordonnée par le juge pénal, l’autorité compétente n’est pas tenue de la rejeter et il lui appartient d’apprécier l’opportunité de délivrer une telle autorisation de régularisation, compte tenu de la nature et de la gravité de l’infraction relevée par le juge pénal, des caractéristiques du projet soumis à son examen et des règles d’urbanisme applicables. Dans le cas où, sans motif légal, l’administration refuse de faire procéder d’office aux travaux nécessaires à l’exécution de la décision du juge pénal, sa responsabilité pour faute peut être poursuivie. En cas de refus légal, et donc en l’absence de toute faute de l’administration, la responsabilité sans faute de l’Etat peut être recherchée, sur le fondement du principe d’égalité devant les charges publiques, par un tiers qui se prévaut d’un préjudice revêtant un caractère grave et spécial.

CE, 6e et 5e ch. réunies, 13 mars 2019, n° 408123, Lebon T.

En clair, le maire ou le fonctionnaire compétent doit – seul ou sur demande d’un tiers – faire procéder d’office aux travaux permettant d’honorer la décision du juge pénal.

De plus, s’il refuse illégalement, il peut engager sa responsabilité, pour faute. S’il refuse légalement, pour des motifs tenant à la sauvegarde de l’ordre ou de la sécurité publics notamment, c’est cette fois-ci l’État qui engage sa responsabilité, sans faute.

Ces principes sont repris à la décision commentée, qui ajoute cependant que :

l’obligation à laquelle est tenue l’autorité compétente de faire procéder aux travaux nécessaires à l’exécution de la décision de justice prend effet à l’expiration du délai fixé par le juge pénal, indépendamment du prononcé éventuel d’une astreinte par le juge ou de sa liquidation par l’État. Par suite, en jugeant que la liquidation de l’astreinte ne constituait ni un préalable ni une alternative à cette exécution d’office, la cour administrative d’appel de Marseille, qui a suffisamment motivé son arrêt, n’a pas commis d’erreur de droit.

Pas de répit pour « l’autorité compétente », qui doit donc agir dès que le délai fixé par le juge pénal arrive à expiration. L’astreinte mise à la charge de la personne condamnée, voire sa liquidation, ne repousse par le délai pour agir (vite !).

Bref, il faut jouer le jeu et remettre en état les lieux !… Faute de devoir indemniser le tiers lésé, dans cette affaire, à hauteur de 7000 €.


CE, 5 avril 2022, Ministre de la Transition écologique : n°447631