Par un arrêt du 11 mars 2022, la Cour administrative d’appel de Paris fait application du principe de proportionnalité dans l’établissement de l’indemnité de résiliation perçue par le cocontractant de l’administration.

La location financière longue durée est utilisée par une entreprise ou une administration qui souhaite faire usage, voire acquérir à terme, des biens immobiliers, des véhicules, des équipements ou des machines-outils. Elle verse un loyer contre l’usage qu’elle fait des biens. Le copieur multifonction rapidement osbolète est son domaine de prédilection.

Problème : les indemnités de résiliation de ces contrats aux clauses types (CGV) sont léonines, voire délirantes. Illustration dans l’arrêt commenté :

La résiliation du présent contrat, quelle qu’en soit la cause et quelle que soit la partie qui en est l’origine, ne fait pas obstacle au paiement par le CLIENT du prix de la totalité des copies faisant l’objet de l’engagement Volume-copie annuel au titre de toutes les années de la durée prévue au contrat telle que mentionnée à l’encart ‘MODALITES DU CONTRAT’ augmentée d’une indemnité de 10%.

L’on sait déjà que le Conseil d’Etat a admis (sous réserve) que le cocontractant de l’administration puisse être à l’initiative de la résiliation (CE, 8 octobre 2014, Société Grenke location : n°370644).

L’on sait aussi que le Conseil d’État avait atténué la portée de sa décision rendue en 2014 et décidé d’opérer un contrôle de proportionnalité de l’indemnité de résiliation due par la personne publique et prévue au contrat (CE, 3 mars 2017, société Leasecom : n°392446).

Ici, la Cour administrative d’appel de Paris reprend la « boîte à outils » livrée par le Conseil d’État et rappelle le principe posé en 2017 :

En vertu de l’interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités, un contrat administratif ne peut légalement prévoir une indemnité de résiliation ou de non-renouvellement qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation. L’article 16 précité prévoit une indemnité de résiliation contractuelle augmentée de 10% sans lien avec un quelconque préjudice. Cette indemnité ne tient pas compte des charges dont la résiliation du contrat dispense la société Riso France, notamment en termes d’entretien. En outre, la somme demandée est supérieure au chiffre d’affaires maximal auquel elle aurait pu prétendre si elle avait exécuté les deux contrats jusqu’à leur terme. Ainsi, l’indemnité prévue par l’article 16 des conditions générales des deux contrats en cause est manifestement disproportionnée par rapport au montant du préjudice résultant, pour la société Riso France, des dépenses qu’elle a exposées et du gain dont elle a été privée.

La clause est logiquement écartée. La Cour ne s’arrête pas en si bon chemin :

En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d’intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant. Si l’étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations contractuelles, l’interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités fait toutefois obstacle à ce que ces stipulations prévoient une indemnité de résiliation qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation. Si, dans le cadre d’un litige indemnitaire, l’une des parties ou le juge soulève, avant la clôture de l’instruction, un moyen tiré de l’illicéité de la clause du contrat relative aux modalités d’indemnisation du cocontractant en cas de résiliation anticipée, il appartient à ce dernier de demander au juge la condamnation de la personne publique à l’indemniser du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de la résiliation du contrat sur le fondement des règles générales applicables, dans le silence du contrat, à l’indemnisation du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d’intérêt général.

Appliquant le principe aux faits et écartant le contrat pour régler le litige, la Cour indique « qu’aucune somme ne peut être allouée à la société Riso au titre de l’indemnité des loyers de maintenance ». Bref, du bon usage des deniers publics avant toute chose.

Les contrats de location financière ont la vie dure, et c’est heureux, tout compte fait !


CAA Paris, 11 mars 2022, société Riso France : n°20PA01320.