Par une décision du 11 février 2022, le Conseil d’État précise que les collectivités chargées de la réalisation de réseaux d’évacuation des eaux de pluie ne sont pas tenues de les recueillir sur l’ensemble de leur territoire.

Les faits sont simples : des propriétaires reçoivent le passage d’un ruisseau. Le volume d’eau après l’autorisation d’un lotissement en amont augmente subitement lors de pluies. Ils estiment subir un préjudice qu’ils attribuent à la fois à l’écoulement accru sur leur terrain des eaux pluviales en raison de l’imperméabilisation des sols et à l’insuffisance ainsi qu’aux malfaçons du réseau public d’assainissement.

Le Tribunal leur donne (un tout petit peu) raison, la Cour administrative d’appel de Lyon réduit le montant versé.

Saisi, le Conseil d’État rappelle tout d’abord les principes en matière de responsabilité sans faute, tout en l’amendant :

si le maître de l’ouvrage est responsable, même en l’absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement, ce régime de responsabilité ne s’applique pas aux préjudices subis du fait de l’absence d’ouvrage public.

Ainsi, il faut la présence matérielle d’un ouvrage public et son implication dans le dommage pour que le régime de responsabilité évoqué soit mobilisé.

Faute pour le lotissement litigieux d’être un ouvrage public, et sans qu’un ouvrage public soit « incriminé » (le terme utilisé pourra surprendre), le Conseil d’État écarte le moyen.

Mais dans un second temps, après évocation des articles L. 2212-2 et L. 2226-1 du Code général des collectivités territoriales, il est précisé :

si les dispositions précitées confient au maire le soin d’assurer la sécurité et la salubrité publiques en prévenant notamment les inondations par des mesures appropriées et instituent un service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines dans les zones identifiées par les documents d’urbanisme comme  » urbanisées et à urbaniser « , elles n’ont ni pour objet ni ne sauraient avoir pour effet d’imposer aux communes et aux communautés de communes compétentes la réalisation de réseaux d’évacuation pour absorber l’ensemble des eaux pluviales ruisselant sur leur territoire. Par suite, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose aux communes de recueillir l’ensemble des eaux de pluie transitant sur leur territoire.

(Pour une première formulation proposée par une Cour : CAA Marseille, 2e ch. – formation à 3, 7 avr. 2016, n° 14MA03280)

Pour résumer : en matière d’eau pluviale, il repose sur les collectivités une obligation de moyens, non de résultat s’agissant de la qualification d’une éventuelle faute. En creux, le Conseil d’État précise également qu’il appartient aux tiers privés (on pensera principalement aux lotisseurs, aux aménageurs) d’assurer la gestion des eaux sans créer de nouvelles charges pour la collectivité.

Dit autrement, les requérants sont invités à demi-mot à changer de juge, à supposer que l’intervention d’une éventuelle prescription ne les prive pas d’un tel demi-tour.

Et c’est ainsi que ces mêmes requérants ont quitté le Tribunal administratif avec 7 023,36 euros, puis la Cour avec 518,14 euros de moins pour voir les postes de préjudices les plus importants écartés. Bref, méfiez-vous de l’eau qui dort…


CE, 11 février 2022, M. M… G… c. commune de Pont-Salomon : n°449831