Par une décision du 10 février 2020, le Conseil d’Etat reconnait la possibilité pour le juge de rejeter par voie d’ordonnance la requête ayant néanmoins fait l’objet d’un débat contradictoire, au motif qu’elle est tardive au sens de la jurisprudence Czabaj.

L’on sait que depuis une décision d’Assemblée du 13 juillet 2016, le Conseil d’Etat reconnaît aux personnes publiques un principe de sécurité juridique dévolu aux actes qu’elles prennent. Même sans mention des voies et délais de recours, un acte ne peut donc plus faire l’objet d’un recours passé un délai d’un an.

L’on sait également que depuis une décision du 17 juin 2019, le Conseil d’État limite la propagation de la jurisprudence Czabaj qui semblait infinie (voir pour les titres exécutoires et les autorisations d’urbanisme), la mise en jeu de la responsabilité d’une personne publique demeurant soumise au délai de prescription quadriennale.

Nouveauté désormais, créée de toute pièce par le Conseil d’État :

Lorsque, dans l’hypothèse où l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours n’a pas été respectée, ou en l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, le requérant entend contester devant le juge une décision administrative individuelle dont il a eu connaissance depuis plus d’un an, il lui appartient de faire valoir, le cas échéant, que, dans les circonstances de l’espèce, le délai raisonnable dont il disposait pour la contester devait être regardé comme supérieur à un an. En l’absence de tels éléments, et lorsqu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges que le requérant a eu connaissance de la décision depuis plus d’un an, la requête peut être rejetée par ordonnance comme manifestement irrecevable, sur le fondement de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, sans que le requérant soit invité à justifier de sa recevabilité.

Et pourquoi ne pas privilégier la voie du moyen d’ordre public tiré de la tardiveté de la requête, plus soucieuse des droits des parties ? Parce que le Conseil d’Etat laisse tout bonnement un (faux) choix au juge :

si, aux termes du premier alinéa de l’article R. 611-7 du code de justice administrative,  » lorsque la décision lui paraît susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office, le président de la formation de jugement (…) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu’y fasse obstacle la clôture éventuelle de l’instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué « , le second alinéa du même article prévoient que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le juge rejette une demande par ordonnance sur le fondement de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, sans réserver le cas où cette ordonnance interviendrait alors que l’instruction a été ouverte. Par suite, la cour administrative d’appel de Douai n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit en jugeant qu’alors même que l’instruction avait été ouverte, le tribunal administratif pouvait rejeter par ordonnance la demande de M. C… sans informer celui-ci qu’il entendait se fonder sur la circonstance que sa demande n’avait pas été présentée dans un délai raisonnable

Le requérant parait donc clairement désavantagé dans son rapport de force avec l’administration.

Surtout, au moindre doute, prudence est mère de sûreté et mieux vaut justifier de circonstances particulières justifiant la recevabilité de la requête afin de s’éviter toute mésaventure.


CE, 10 février 2020, M. D… C… c. ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat : n°429343