Par un arrêt du 31 mai 2016, le Conseil d’Etat admet que, dans certaines hypothèses, le juge opère un contrôle de conventionnalité dans le cadre d’un référé-liberté.

Sur fond d’autorisation médiatisée de transfert de gamètes vers l’Espagne.

La presse a largement relayé l’information : le Conseil d’Etat a “autorisé l’exportation” (sic) du sperme d’un défunt vers l’Espagne pour insémination (voir lemonde.fr 31.05.2016).

Cette affaire n’a toutefois pas manqué d’enrichir le contentieux administratif.

Et c’est justement en raison d’un infléchissement de la position de la Haute juridiction.

Jusqu’à présent, le Conseil d’Etat était plutôt frileux à l’idée d’analyser la conventionnalité d’une loi en la forme des référés, qui plus est en référé-liberté.

En clair, si l’administration applique une loi susceptible d’atteindre de manière grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale en raison de la méconnaissance d’une convention internationale, le référé-liberté n’est pas la bonne voie.

Et pourtant, dans certain cas, le Conseil d’Etat admet ce contrôle :

eu égard à son office, qui consiste à assurer la sauvegarde des libertés fondamentales, il appartient au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de prendre, en cas d’urgence, toutes les mesures qui sont de nature à remédier aux effets résultant d’une atteinte grave et manifestement illégale portée, par une autorité administrative, à une liberté fondamentale, y compris lorsque cette atteinte résulte de l’application de dispositions législatives qui sont manifestement incompatibles avec les engagements européens ou internationaux de la France, ou dont la mise en œuvre entraînerait des conséquences manifestement contraires aux exigences nées de ces engagements

Et de poursuivre :

Dans ces conditions et en l’absence de toute intention frauduleuse de la part de la requérante, dont l’installation en Espagne ne résulte pas de la recherche, par elle, de dispositions plus favorables à la réalisation de son projet que la loi française, mais de l’accomplissement de ce projet dans le pays où demeure sa famille qu’elle a rejointe, le refus qui lui a été opposé sur le fondement des dispositions précitées du code de la santé publique – lesquelles interdisent toute exportation de gamètes en vue d’une utilisation contraire aux règles du droit français – porte, eu égard à l’ensemble des circonstances de la présente affaire, une atteinte manifestement excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il porte, ce faisant, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Force est de constater toute la prudence prise par le Conseil d’Etat : “Dans ces conditions”, “eu égard à l’ensemble des circonstances de la présente affaire”, etc.

Le contrôle in concreto est poussé.

Pour autant, cela marque l’effort –

symbolique et notoire- de redéfinition de l’office du juge des référés.


CE, 31 mai 2016, Madame D…C…A… : n°396848

Pour la position antérieure du Conseil d’Etat : CE, 9 décembre 2005, Allouache : n°287777