La FAQ (Foire Aux Questions) d’un site internet de l’administration : du droit ? Oui, et mou. Par une dĂ©cision du 3 fĂ©vrier 2023, le Conseil d’Etat rĂ©pond par l’affirmative.
Nouvelle illustration de son pouvoir de création prétorienne, le Conseil d’État reprend sa précédente décision à ce sujet (CE, 12 juin 2020, Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) : n°418142) pour élever les FAQ au rang des décisions susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation des tiers.
Après avoir passĂ© en revue les circulaires et instructions (CE, 18 dĂ©cembre 2002, Duvignières : n° 233618), les directives (CE, 11 dĂ©cembre 1970, CrĂ©dit Foncier de France : n°78880, devenues lignes directrices : CE, 4 fĂ©vrier 2015, ministre de l’intĂ©rieur : n°383267) ainsi que les avis, recommandations et diverses mises en garde (CE ass., 21 mars 2016, sociĂ©tĂ© Fairvesta International GmbH et autres : n° 368082, incluant l’autorisation de circuler Ă vĂ©lo lors du confinement), la FAQ n’Ă©chappe pas Ă l’analyse.
Une requérante contestait le point 12 de la partie « Puis-je en bénéficier ? » de la FAQ relative au fond de solidarité en faveur des entreprises dans le cadre des mesures relatives au covid-19. Ce point excluait, par principe, les loueurs en meublés non professionnels du bénéfice du fonds de solidarité.
Le Conseil d’État rappelle tout d’abord :
Les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.
voir : CE, 12 juin 2020, Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI) : n°418142, précité.
Et de poursuivre :
Par la question – réponse mentionnée au point 3, les services du ministre de l’économie, des finances et de la relance ont fait part de leur interprétation de l’ordonnance du 25 mars 2020 ainsi que du décret du 30 mars 2020, dans sa rédaction issue du décret du 8 février 2021 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, pris pour son application. Eu égard à sa teneur, cette interprétation du droit positif, émise par les services chargés d’instruire les demandes d’aides au titre du fonds de solidarité puis de procéder, le cas échéant, au versement de ces aides, est susceptible de produire des effets notables sur la situation des personnes qui souhaitent bénéficier des mesures de soutien mises en place. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, tirée de ce que la réponse litigieuse serait insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, doit être écartée. La circonstance que la « foire aux questions » sur laquelle cette réponse a été publiée ne s’adresserait ni aux services en charge de l’instruction des demandes d’aides ni à ceux chargés du contrôle des aides versées est à cet égard sans incidence.
Une FAQ peut donc faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
Et la requérante obtient gain de cause sur le fond : les loueurs en meublés non professionnels peuvent bénéficier du fonds de solidarité. Ainsi, et pour mémoire :
La circonstance que les recettes issues de la location de locaux d’habitation meublés seraient inférieures aux seuils définis par ces dispositions n’est pas de nature à exclure l’exercice, par le loueur, d’une activité économique, et pas davantage, lorsque cette condition est applicable, l’exercice d’une activité principale dans l’un des secteurs énumérés à l’annexe 1 ou à l’annexe 2 du décret du 30 mars 2020, dans sa rédaction issue du décret du 8 février 2021. Dès lors, la réponse mentionnée au point 3 méconnaît la définition du champ des personnes susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité résultant des dispositions [de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19]
Tiers attaque : gare aux FAQ !
CE, 9-10 chr, 3 févr. 2023, n° 451052, Lebon T.