Par deux décisions rendues le 12 avril 2022, le Conseil d’État consacre le principe d’égalité entre catégories de personnels, proscrivant, sous condition, la différence de traitement entre elles.

Dans la première décision, il est fait application du principe et la décision du Premier ministre traitant différemment les assistants d’éducation des autres personnels au sein des réseaux REP et REP+, en application du décret n°2015-1087 du 28 août 2015, est annulée.

Dans la deuxième décision, le principe est écarté et la requête dirigée contre le décret n° 2021-825 du 28 juin 2021 modifiant le décret de 2015 et une circulaire d’application est rejeté.

Le principe est ainsi formulé dans les deux cas :

Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Ces modalités de mise en œuvre du principe d’égalité sont applicables à l’édiction de normes régissant la situation d’agents publics qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d’emplois de fonctionnaires.

Pour une première formulation approchante : CE, 5e et 4e ss-sect. réunies, 9 février 2005 : n° 229547, Lebon.

Pour le premier recours couronné de succès, il est jugé :

au regard de la nature de leurs missions et des conditions d’exercice de leurs fonctions, les assistants d’éducation servant dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ et REP sont exposés à des sujétions comparables à celles des personnels titulaires et contractuels bénéficiant de l’indemnité de sujétions en application des décrets du 28 août 2015 et du 29 août 2016 et qu’ils participent, de par leur mission d’assistance des équipes éducatives, à l’engagement professionnel collectif de ces équipes. Les circonstances, avancées par le ministre en défense, tenant à la particularité de leur statut, à leurs conditions de recrutement, effectué directement par l’établissement, et à la durée maximale de leur période d’engagement, qui reste, en l’état des dispositions applicables à la date de la présente décision, limitée à six années, ne sont pas de nature, eu égard à l’objet de l’indemnité instituée par le décret du 28 août 2015, à justifier de les exclure du bénéfice de l’indemnité en cause.

Et de poursuivre :

L’annulation de la décision refusant de modifier les dispositions réglementaires relatives au régime de l’indemnité de sujétions en tant que ces dispositions excluent les assistants d’éducation des catégories de personnels bénéficiant de cette indemnité implique nécessairement la modification de ces dispositions réglementaires, de façon à rétablir l’égalité de traitement de l’ensemble des agents concernés.

En somme, le versement de l’indemnité dépend du fait d’être confronté à des sujétions comparables, non au statut, indifféremment des catégories de personnels.

Pour le second recours déçu, il est revanche jugé :

l’indemnité de sujétions a pour objet d’encourager et de valoriser l’engagement des personnels œuvrant dans les établissements relevant des programmes de l’éducation prioritaire et que ces programmes d’éducation prioritaire s’adressent aux établissements confrontés à un nombre significatif d’élèves en proie à des difficultés sociales, ceux relevant du programme REP+ connaissant les plus grandes concentrations de difficultés sociales. Dans ces conditions, au regard de l’objet de l’indemnité en cause et des conditions d’exercice des fonctions des bénéficiaires, le pouvoir réglementaire a pu légalement traiter différemment les personnels exerçant dans une école ou établissement relevant du programme REP+ de ceux exerçant dans les écoles ou établissements relevant du programme REP, qui sont dans une situation différente, et prévoir, seulement pour les premiers, qu’une part modulable de l’indemnité de sujétions, attribuée sur la base d’objectifs collectifs d’engagement professionnel, s’ajoute à la part forfaitaire de cette indemnité, allouée à l’ensemble des personnels éligibles, dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec leur différence de situation et n’est pas manifestement disproportionnée au regard des objectifs poursuivis.

Ici, la différence entre REP et REP+ est jugée suffisante eu égard aux fonctions confiées, notamment. Elle justifie donc une différence de traitement. Le principe d’égalité passe son chemin, sans pour autant manquer d’être mis en lumière.

Il reste que le critère matériel en lien avec la nature des activités effectivement confiées aux catégories de personnels prend le dessus sur le critère fonctionnel qui tendrait à faire privilégier le statut de l’agent.

En outre, la consécration du rapprochement des régimes éparpillés des différentes catégories de personnels par le prisme du principe – louable – d’égalité tend paradoxalement à gommer les différences entre elles et, partant, à interroger plus généralement de l’utilité de distinguer les fonctionnaires des agents contractuels.


CE, 12 avril 2022, Fédération Sud éducation : n° 452547

CE, 12 avril 2022, Union nationale des syndicats autonomes Éducation : n°456068