Par une décision, du 5 avril 2023, le Conseil d’État rappelle utilement le régime du marché de substitution, en présence d’un titulaire défaillant.

De plus, il ajoute que si l’administration doit dans tous les cas notifier le marché de substitution au titulaire du marché résilié, elle n’est tenue de lui communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées en exécution du nouveau contrat qu’à la condition d’être saisie d’une demande en ce sens.

Le principe du marché de substitution n’est pas nouveau (CE, 28 janvier 1977, ministère de l’Économie et des finances : n°99449). Le caractère d’ordre public de cette faculté est lui, plus récent : elle peut être mise en œuvre dans le silence ou la contradiction du contrat (CE, 9 novembre 2016, société Fosmax LNG : n°388806).

L’on savait déjà depuis 2020 que le régime du marché de substitution avait fait l’objet d’une clarification (CE, 18 décembre 2020, sociétés Treuils et Grues Labor : n°433386).

Plus récemment encore, le Conseil d’État a précisé que le titulaire défaillant est en droit de suivre la totalité des missions confiées au titulaire du marché de substitution. À défaut, le montant de ce marché ne peut pas être mis à sa charge (CE, 27 avril 2021, société Constructions Bâtiments Immobiliers (CBI) : n°437148).

Par la décision commentée, la Haute juridiction parfait le régime juridique du titulaire défaillant, au sujet des modalités d’accès aux documents du marché de substitution.

Rappels sur le marché de substitution

Le Conseil d’Etat commence par rappeler que :

Il résulte des règles générales applicables aux contrats administratifs que l’administration contractante peut, après avoir vainement mis en demeure son cocontractant de poursuivre l’exécution des prestations qu’il s’est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat, décider de confier l’achèvement des prestations à une autre entreprise aux frais et risques de son cocontractant. Le cocontractant défaillant doit être mis à même de suivre l’exécution du marché de substitution ainsi conclu afin de lui permettre de veiller à la sauvegarde de ses intérêts, les montants découlant des surcoûts supportés par l’administration en raison de l’achèvement des prestations par un nouvel entrepreneur étant à sa charge.

À rapprocher de CE, 27 avril 2021, société Constructions Bâtiments Immobiliers (CBI) : n°437148

Modalité de communication des pièces du marché de substitution

La structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (Simmad) a conclu avec la société Iveco France un marché d’achat de véhicules de dégivrage pour aéronefs. La Simmad a résilié le marché aux torts de cette société. La Cour administrative d’appel saisie a constaté que la société Iveco France n’avait pas été en mesure de vérifier la réalité des prestations exécutées, empêchant la Simmad de mettre à sa charge par l’émission d’un titre exécutoire le montant du marché de subsitution.

Saisi de l’arrêt de la Cour, le Conseil d’Etat ajoute précisément sur les droits du titulaire défaillant à la communication des documents du marché que :

À cet effet, si l’administration doit notifier le marché de substitution au titulaire du marché résilié, elle ne doit pas nécessairement communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées en exécution du nouveau marché. Elle les communiquera à première demande.

Jugeant l’affaire au fond, il est précisé par le Conseil :

Il résulte de l’instruction et il n’est pas contesté que la Simmad a notifié le marché de substitution à la société Iveco France. Si cette société a fait valoir, dans les mémoires en réclamation qu’elle a présentés les 23 mai 2013 et 16 janvier 2015 à l’encontre des décomptes provisoires du marché résilié communiqués par la Simmad, que ces décomptes étaient irréguliers, elle n’a pas saisi la Simmad d’une demande tendant à la production de pièces démontrant la réalité des prestations effectuées par le titulaire du marché de substitution. Par suite, la société Iveco France n’est pas fondée à soutenir que, faute de lui avoir adressé de telles pièces, la Simmad ne l’aurait pas mise à même de suivre l’exécution du marché de substitution.

Montant du marché de substitution (et donc, de la créance publique) : 2 096 488,72 euros.

En somme, il suffit pour l’administration de notifier le marché de substitution pour escompter, par la suite, rentrer dans ses frais. La charge d’obtenir les pièces justificatives utiles (et prioritairement, l’intégralité du marché pour une meilleure vue d’ensemble) incombe au titulaire défaillant.

Un peu de simplification administrative à la sauce « Code des relations entre le public et l’administration », en somme…


CE, 5 avril 2023, ministre des armées : n°463554