Par une décision du 20 janvier 2020, le Conseil d’État admet une conception élargie de la notion de bien immobilier à usage de bureaux, relevant du domaine privé des personnes publiques par application de l’article L. 2211-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

L’on sait que pour relever du domaine public, un bien immobilier doit être affecté soit à l’usage direct du public, soit à un service public pourvu qu’il fasse l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public, comme le prévoit l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Toutefois, l’article L. 2211-1 du code général de la propriété des personnes publiques précise :

Font partie du domaine privé les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1, qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre Ier du livre Ier.

Il en va notamment ainsi des réserves foncières et des biens immobiliers à usage de bureaux, à l’exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public.

Le Conseil d’Etat arbitre les difficultés d’articulation entre les deux textes.  Et l’on pense immédiatement aux « Maisons de service public » ou « Hôtels » multi-services qui regroupent tout à la fois des bureaux, des locaux réservés à l’accueil du public, des services à la population, notamment.

Dans le cadre d’une question préjudicielle posée par la juridiction judiciaire, il est ainsi jugé :

Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que les lots nos 25, 26 et 27, composés de salles et de locaux à usage de bureaux, étaient mis à la disposition de diverses associations à caractère social, sportif ou culturel, afin d’y recevoir leurs adhérents et les habitants de la commune intéressés par les activités qu’elles proposaient. En jugeant que ces locaux devaient, du fait d’une telle mise à disposition, être regardés comme affectés à l’usage direct du public, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

Et d’enfoncer le clou :

pour déclarer que les lots nos 31, 32 et 49 appartenaient, à la date de la cession, au domaine public communal, le tribunal administratif a relevé qu’ils étaient occupés par des services municipaux et qu’ils avaient fait l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution, par ces services, de leurs missions de service public du fait de l’installation d’un point d’accueil et d’orientation. Il ressort toutefois des pièces du dossier qui lui était soumis que ce point d’accueil et d’orientation avait pour seul objet l’accueil téléphonique ainsi que l’information et l’orientation des personnes reçues dans les bureaux. En le regardant comme un aménagement indispensable à l’exécution des missions des services municipaux de la culture, du sport et de la petite enfance installés dans les lots en cause, de nature retirer à ceux-ci leur caractère de biens immobiliers à usage de bureaux exclus du régime de la domanialité publique par les dispositions précitées de l’article L. 2211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, le tribunal administratif a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

Le Conseil d’État fait donc primer l’affectation à usage de bureaux -largement entendue- sur les notions d’usage direct du public, d’une part, et d’autre part,  d' »ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public ».

Et le domaine public y perd un peu de son champ…et de sa superbe.


CE 23 janvier 2020, société JV Immobilier : n° 430192.