Flash sur le risque d’exploitation (AKA le Diable) qui se cache dans les détails. Par une décision du 24 mars 2022, le Conseil d’État retoque le Tribunal administratif de Toulouse, saisi d’une question préjudicielle relative à la qualification des contrats conclus avec une association en redressement judiciaire, ayant la charge de gérer un musée de photographie.

Les développements autour du risque d’exploitation sont presque devenus un marronnier : en 2017, le Conseil d’État rappelait qu’un contrat de délégation de service public se distingue du marché public par le risque d’exploitation qu’il comporte.

Puis, en 2021, il a de nouveau ainsi été rappelé que le transfert du risque d’exploitation signe le contrat de concession.

Ici, l’association en redressement ayant la gestion de la galerie, la question de la propriété des œuvres était en débat : bien de retour (revenant à la commune de Toulouse) ou propriété de l’association revenant au repreneur désigné par le juge commissaire ?

Pour le déterminer, encore fallait-il trancher la question de la nature juridique des contrats liant l’ex-association et la Ville Rose.

Saisi, le Tribunal administratif opte pour le marché public. La commune de Toulouse se pourvoit.

Le Conseil d’État règle sa focale sur les articles L. 1111-1 du Code de la commande publique (définition du marché) et L. 1411-1 du Code général des collectivités territoriales (définition de la DSP) pour proposer :

Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment des stipulations de l’ensemble des conventions que, si la commune de Toulouse a apporté des soutiens financiers significatifs et quantitativement importants à son cocontractant, celui-ci a toujours conservé un risque lié à l’exploitation de la galerie, son équilibre financier n’étant pas garanti par les sommes apportées par la commune. L’association a ainsi supporté les aléas de la gestion du musée et a subi des pertes d’exploitation ayant conduit à son placement en procédure de redressement judiciaire. Il s’ensuit qu’en jugeant que les conventions conclues entre celle-ci et la commune ne lui transféraient pas un risque d’exploitation et en en déduisant qu’elles ne constituaient pas des délégations de service public, le tribunal administratif a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Son jugement doit, par suite, être annulé

Bon an mal an, la juridiction retient le fait de confier la gestion d’un service public à un tiers ainsi que les aléas de gestion du musée et des pertes d’exploitation pour justifier le régime de la délégation de service public.

Les critères retenus pour qualifier un transfert de risque semblent, de prime abord, discutables. D’une part, la circonstance que l’association aurait subie des pertes d’exploitation ayant conduit à son redressement apparait commun au régime des marchés : après tout, des offres mal chiffrées, cela existe. Dans ce cadre, nombre de structures font l’objet de mesure de redressement alors qu’elles sont exclusivement liés à l’administration par des marchés publics. D’autre part, l’on sait également qu’un service public peut être confié par marché.

Il reste donc à qualifier le sort des œuvres exposées. Sans grande surprise, il est jugé :

Il résulte de l’instruction que les fonds photographique et documentaire dont la propriété est revendiquée par la commune de Toulouse ont été constitués pour les besoins de l’exploitation du musée de la photographie établi au sein de la galerie du Château d’eau, et notamment aux fins de réaliser des expositions ouvertes au public. Ils sont par suite nécessaires au fonctionnement de ce service public au sens des dispositions citées au point précédent. Il suit de là qu’ils constituent des biens de retour, qui sont et demeurent la propriété de la commune de Toulouse en vertu des mêmes dispositions.

L’on peut toutefois s’étonner que la distinction entre le marché public et la délégation de service public eut été si déterminante aux yeux des juges pour qualifier le régime juridique de la collection. Même qualifié de marché public, le contrat conclu entre la commune et l’association n’écartait pas ipso facto le régime des biens publics, permettant de reverser les œuvres dans le patrimoine communal. Mais le choix de la délégation de service public s’est probablement avéré plus économe en développements et digressions pour parvenir aux mêmes fins.


CE 24 mars 2022, Commune de Toulouse : n°449826