Il aura fallu un litige traitant de retrait et de destruction de vĂ©hicules abandonnĂ©s pour offrir au Conseil d’État l’occasion de prĂ©ciser la diffĂ©rence entre un contrat de la commande publique d’un contrat de concession.

Par une dĂ©cision du 9 juin 2021, il est ainsi rappelĂ© que le transfert du risque d’exploitation signe le contrat de concession, comme nous l’avions d’ailleurs vu prĂ©cĂ©demment Ă  propos d’un de la gestion du service de restauration municipale.

AprÚs avoir rappelé les dispositions applicables, il est jugé :

Aux termes de l’article L. 2 du code de la commande publique :  » Sont des contrats de la commande publique les contrats conclus Ă  titre onĂ©reux par un acheteur ou une autoritĂ© concĂ©dante, pour rĂ©pondre Ă  ses besoins en matiĂšre de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opĂ©rateurs Ă©conomiques « . Aux termes de l’article L. 1121-1 du mĂȘme code :  » Un contrat de concession est un contrat par lequel une ou plusieurs autoritĂ©s concĂ©dantes soumises au prĂ©sent code confient l’exĂ©cution de travaux ou la gestion d’un service Ă  un ou plusieurs opĂ©rateurs Ă©conomiques, Ă  qui est transfĂ©rĂ© un risque liĂ© Ă  l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix « .

Il ressort des piĂšces des dossiers soumis au juge des rĂ©fĂ©rĂ©s que les contrats pour la conclusion desquels la ville de Paris a lancĂ© la procĂ©dure litigieuse ont pour objet de confier Ă  leur titulaire l’enlĂšvement des vĂ©hicules abandonnĂ©s dans les parcs de fourriĂšre placĂ©s sous sa responsabilitĂ©, conformĂ©ment Ă  l’article L. 325-8 du code de la route. La frĂ©quence et le volume des enlĂšvements auxquels le titulaire s’engage Ă  procĂ©der sont fixĂ©s par les stipulations du contrat. Le service ainsi rendu par les entreprises de dĂ©molition automobile cocontractantes ne fait l’objet d’aucune rĂ©munĂ©ration sous la forme d’un prix, les stipulations des conventions projetĂ©es, qui reprennent les clauses types dĂ©finies Ă  l’article R. 325-45 du code de la route, indiquant que ces entreprises ont le droit, en contrepartie de leurs obligations, de disposer des accessoires, piĂšces dĂ©tachĂ©es et matiĂšres ayant une valeur marchande issus des vĂ©hicules. Aucune stipulation de ces conventions ne prĂ©voit par ailleurs de compensation, par la ville de Paris, des Ă©ventuelles pertes financiĂšres que pourrait subir son cocontractant du fait des risques inhĂ©rents Ă  l’exploitation commerciale des produits issus de ces enlĂšvements. Dans ces conditions, ces conventions, qui prĂ©voient que la rĂ©munĂ©ration du service rendu prend la forme du droit d’exploiter les vĂ©hicules abandonnĂ©s et qui transfĂšrent Ă  leurs titulaires le risque inhĂ©rent Ă  cette exploitation, prĂ©sentent le caractĂšre de concessions de service.

Pour annuler la procĂ©dure de passation litigieuse, le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s du tribunal administratif de Paris a retenu qu’elle avait Ă©tĂ© conduite en mĂ©connaissance des obligations de publicitĂ© prĂ©vues aux articles L. 2124-1, L. 2131-1 et R. 2131-16 du code de la commande publique, applicables aux seuls marchĂ©s publics. En statuant de la sorte, le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s a mĂ©connu le champ d’application de la loi. Ses ordonnances doivent ĂȘtre annulĂ©es pour ce motif, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les moyens des pourvois.

Ainsi, au moyen d’un faisceau d’indices, le Conseil d’État relĂšve que le contrat en litige confie au titulaire la responsabilitĂ© des parcs et fourriĂšre, qu’il n’est pas directement rĂ©munĂ©rĂ©, qu’il ne perçoit pas de compensation en cas de pertes financiĂšres si les ventes de piĂšces et accessoires s’avĂšrent moins fructueuses, notamment.

Il s’agit donc d’une concession de service.

L’effet domino peut commencer : requalifiĂ© en contrat de concession, la procĂ©dure de mise en concurrence devait respecter les dispositions des articles L. 3124-4 et R. 3124-4 du code de la commande publique, traitant de la mise en Ɠuvre des critĂšres de sĂ©lection des offres. Or, aucun critĂšre de sĂ©lection n’avait Ă©tĂ© communiquĂ© aux candidats dans le cadre de la procĂ©dure en litige.

Elle est donc annulé.


CE, 9 juin 2021, Ville de Paris : n°448948