Une fois n’est pas coutume, c’est à la juridiction judiciaire qu’il revient de trancher un conflit de compétence entre deux personnes publiques. Qui est titulaire de l’action en démolition civile prévue au Code de l’urbanisme ? Le Maire ? Le Président de l’EPCI ? Les deux, Mon Général, répond la Cour de cassation.

Par un arrêt du 21 janvier 2021, et en matière d’action en démolition (ou en mise en conformité d’un ouvrage), elle précise ainsi que la commune est en concurrence avec l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme auquel elle est rattachée.

L’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme et l’action qu’il prévoit sont souvent méconnus. Le texte précise :

La commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le tribunal judiciaire en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans l’autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l’article L. 421-8. L’action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l’achèvement des travaux.

Au cas présent, une commune assigne un tiers en démolition. Il lui est reproché que sa construction n’est pas conforme au permis de construire et au POS. Motif : le projet était en zone naturelle et les constructions à usage d’habitation y sont interdites.

La cour d’appel donne raison au bâtisseur : le Maire n’était plus recevable à agir en démolition, ayant transféré à l’EPCI sa compétence en matière d’édiction de plan local d’urbanisme.

La Cour de cassation est saisie et ne l’entend pas ainsi. Elle juge :

Il résulte de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme que la commune a qualité pour agir, concurremment avec l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme, pour exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits commis sur son territoire.

Il ressort de l’article L. 422-3 du code de l’urbanisme que la commune conserve, sauf délégation, sa compétence pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable.

Il s’ensuit que le transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme au profit d’un établissement public de coopération intercommunale ne prive pas la commune de toute compétence pour délivrer les autorisations et faire sanctionner la violation des règles d’urbanisme.

De surcroît, la réalisation de l’objectif d’intérêt général qui s’attache au respect de ces règles et justifie l’action en démolition ou en mise en conformité implique la faculté pour la commune d’exercer cette action en cas d’abstention de l’établissement public compétent en matière de plan local d’urbanisme, alors même qu’une violation de la règle d’urbanisme a été constatée.

Outre l’application bienvenue et littérale du texte, la Cour de cassation lâche les chevaux innove en mobilisant le concept d’ « objectif d’intérêt général » -s’attachant au respect des règles d’urbanisme et justifiant l’action en démolition ou en mise en conformité.

Par cette création prétorienne (et à notre sens inédite quai de l’Horloge), elle vise ainsi à prévenir concrètement et efficacement ce qu’on pourrait nommer « l’ordre public urbain ».

L’arrêt sera à n’en point douter apprécié par les Maires. Il leur laisse un pouvoir fort et qui doit, à notre sens, être nécessairement relié à une connaissance fine de leur territoire -ce dont ne peuvent pas se vanter (tous) les Présidents d’EPCI-.


Cass. Civ. 3e, 21 janvier 2021 : n°20-10602