Par un arrêt du 30 novembre 2017, la Cour administrative d’appel de Bordeaux précise qu’une cristallisation des moyens au visa de l’article R. 600-4 du Code de l’urbanisme décidée en première instance produit également des effets en appel.

De là à voir étendu ce principe à l’article R. 611-7-1 du Code de justice administrative qui généralise cette cristallisation à tout contentieux, il n’y a qu’un pas.

En matière d’urbanisme, l’article R. 600-4 du Code de l’urbanisme disposait :

Saisi d’une demande motivée en ce sens, le juge devant lequel a été formé un recours contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager peut fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués.

“Disposait” car ce texte est désormais abrogé.

Son esprit est repris par un texte plus général qui étend la cristallisation des moyens à tous les contentieux.

Le nouvel article R. 611-7-1 du Code de justice administrative dispose ainsi :

Lorsque l’affaire est en état d’être jugée, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’État, le président de la chambre chargée de l’instruction peut, sans clore l’instruction, fixer par ordonnance la date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux.

La Cour administrative de Bordeaux  est saisie de la légalité d’un permis de construire.

Après mesure de cristallisation, le requérant excipe de l’illégalité d’une autorisation de défrichement préalable à un permis de construire.

Le requérant voit son moyen nouveau logiquement écarté en premier instance.

Il revient à la charge avec la même idée en cause d’appel.

La Cour bordelaise estime toutefois que :

il résulte de ces dispositions et de leur finalité que si en principe un requérant peut invoquer pour la première fois en appel un moyen se rattachant à une cause juridique déjà discutée en première instance avant l’expiration du délai de recours, il n’est en revanche pas recevable à invoquer en appel un moyen présenté tardivement en première instance pour avoir été soulevé postérieurement à la date indiquée dans l’ordonnance prise sur le fondement de l’article R. 600-4 du code de l’urbanisme

Et d’ajouter, confrontant ce principe à l’espèce :

Il ressort des pièces du dossier que les parties ont reçu le jour même notification de l’ordonnance du 14 octobre 2014 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a fixé au 24 novembre 2014 la date à compter de laquelle elles ne pourraient plus invoquer de nouveaux moyens. Postérieurement à cette date, la CEPPBA a, dans un mémoire enregistré le 26 février 2015, présenté de nouveaux moyens afférents à l’illégalité, invoquée par voie d’exception, de l’autorisation de défrichement. Ces moyens, qui n’étaient pas d’ordre public, étaient donc irrecevables en application des dispositions précitées de l’article R. 600-4 du code de l’urbanisme, comme l’a justement indiqué le tribunal. Par suite, la recevabilité de ces moyens ne saurait davantage être admise en appel.

Certes, ce principe est affirmé au visa de l’article R. 600-4 du Code de l’urbanisme.

Certes, le Conseil d’État ne s’est pas prononcé sur la question.

Il n’en demeure pas moins que la question de l’extension de ce principe à la règle générale prévue par le nouvel article R. 611-7-1 du Code de justice administrative est posée.

Sécurité juridique pour les uns, sérieux coup porté à l’effet dévolutif de l’appel pour les autres.

Affaire à suivre.


CAA Bordeaux, 30 novembre 2017, confédération pour les entrepreneurs et la préservation du pays du Bassin d’Arcachon (CEPPBA) : n°15BX01869