Par une décision du 7 juin 2024, le Conseil d’État sanctionne une usine à gaz une méthode de notation des offres qui visait  » à classer les offres au regard de chacun des critères d’appréciation puis à attribuer à chaque offre une note correspondant à la moyenne des rangs de classement obtenus sur chaque critère, pondérée par le coefficient associé à chaque critère, puis à retenir l’offre ayant obtenu, en application de cette méthode, la note la plus basse « .

Rien que ça.

Imaginée par la Communauté d’agglomération Quimper Bretagne Occidentale, une telle méthode visait la sélection de candidats pour la passation d’une concession de services de mobilité.

Pour mémoire et quelques exemples, si une Cour a pu sanctionner une pondération inadaptée et neutralisant le prix de l’offre, le Conseil d’État a finalement admis, sous condition, que le critère prix puisse être établi à 10 % seulement. De même, une méthode de notation par laquelle le candidat fixe lui-même sa propre note sur un des critères est censurée.

Pour rappel également, en matière de concession où la sélection du lauréat est plus souple qu’en matière de marché public – comme c’est le cas dans l’affaire étudiée – l’article L. 3124-5 du Code de la commande publique précise que :

Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du contrat de concession ou à ses conditions d’exécution. Lorsque la gestion d’un service public est concédée, l’autorité concédante se fonde également sur la qualité du service rendu aux usagers. Les critères d’attribution n’ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l’autorité concédante et garantissent une concurrence effective.

De même, un acheteur public n’a pas à communiquer sa méthode de notation (CE, 31 mars 2020, Collectivité territoriale de Corse : n° 334279 ; CE, 2 août 2011, Syndicat mixte de la vallée de l’Orge Aval : n° 348711). Exposer, sinon révéler, cette méthode au nom de la transparence se fait donc aux risques de l’acheteur public, susceptible d’être critiqué pour ses contradictions, incohérences, biais, etc.

C’est précisément ce qui est arrivé à la zélée Communauté d’agglomération Quimper Bretagne Occidentale qui a voulu vraisemblablement trop bien faire. Le Conseil d’État censure sévèrement cette approche originale, mais absurdement complexe :

En faisant ainsi le choix, alors même qu’elle n’était en rien tenue de traduire en notes chiffrées l’appréciation qu’elle portait sur la valeur respective des offres, d’un mode d’attribution de la concession litigieuse fondé sur la moyenne pondérée des rangs de classement des offres au regard de chacun des critères d’attribution, alors que le classement ne reflète que très imparfaitement les écarts de valeur entre les offres, l’autorité concédante a retenu une méthode d’évaluation susceptible de conduire à ce que, au regard de l’ensemble des critères, l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie.

Ainsi, tout acheteur public doit avoir pour axe cardinal de mettre en œuvre des critères qui permettent que la meilleure offre soit la mieux classée, ou, au regard de l’ensemble des critères mis en œuvre, que l’offre présentant le meilleur avantage économique global soit choisie.

Ou pour reprendre Paul Valéry : « Tout ce qui est simple est faux, mais tout ce qui ne l’est pas est inutilisable. »


CE, 7-2 chr, 7 juin 2024 : n° 489404, Lebon T.