Par une décision rendue le 10 juin 2020, le Conseil d’État apporte des précisions s’agissant de la méthode de pondération des critères dans le cadre de la passation d’un marché public.

Nous étions en présence de critères pondérés comme suit : 90% pour le critère « valeur technique » et 10% pour le critère « prix ». Plutôt inhabituel…

Le marché passé par le ministère de la Défense portait sur des formations « achats publics ». Un candidat évincé saisit la juridiction administrative.

Alors que les premiers juges ont rejeté la requête du candidat malheureux, l’État est condamné en appel à lui verser la somme de 4 800 € en réparation des frais d’élaboration des offres. Le Conseil d’État est saisi par l’État.

Le juge de cassation cite l’article 53 du Code des marchés publics, alors applicable et désormais repris dans ses grandes lignes à l’article R. 2152-7 du Code de la commande publique. Il rappelle que l’acheteur détermine librement la pondération des critères de choix des offres. Toutefois, il tempère ce principe déjà connu en lui apportant la modération suivante :

[le pouvoir adjudicateur] ne peut légalement retenir une pondération, en particulier pour le critère du prix ou du coût, qui ne permettrait manifestement pas, eu égard aux caractéristiques du marché, de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse

Puis, appliquant ce principe au cas d’espèce, il juge :

alors même que le marché en cause était un marché à procédure adaptée, soumis à une simple obligation de hiérarchisation des critères, le ministère des armées avait décidé de procéder à la pondération des critères de choix du marché. Le règlement de la consultation prévoyait que les offres seraient appréciées au regard d’un critère de valeur technique pondéré à 90 % et d’un critère de prix pondéré à 10 %. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus qu’en jugeant qu’une telle pondération était irrégulière au motif qu’elle était  » particulièrement disproportionnée « , que le ministre de la défense n’en établissait pas la nécessité et qu’elle conduisait à  » neutraliser manifestement  » le critère du prix, la cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit

Force est d’alors d’admettre qu’on ne sait plus très bien à quel saint se vouer. En effet, d’un côté le Conseil d’État précise que les critères doivent viser l’attribution du marché à l’offre économiquement la plus avantageuse. De l’autre, l’on voit mal comment en notant le prix sur 10% seulement, un tel critère ne risque pas d’être inévitablement neutralisé (en surévaluant une offre chère sur le critère technique , typiquement). Dans notre affaire, le critère relatif à la valeur technique parait donc écrasant, et celui du prix, insignifiant.

Une chose reste certaine, les critères choisis ne doivent pas être hors-sol. Un marché de formation dans lequel la qualité du formateur et des supports pédagogiques n’y est probablement pas pour rien. La prudence invite néanmoins à ce que les critères soient rattachés à l’objet du marché et pondérés…avec modération !


 CE, 10 juin 2020, ministre des armées : n°431194