A la personne publique. Et seulement Ă  elle.

Par une dĂ©cision du 2 novembre 2020, le Tribunal des Conflits prĂ©cise qu’une clause exorbitante du droit commun doit profiter Ă  la personne publique cocontractante pour emporter la qualification de contrat administratif.

Une sociĂ©tĂ© publique locale d’amĂ©nagement (SPLA), personne morale de droit privĂ© soumise au Code de commerce, a confiĂ© Ă  l’Institut national de recherches archĂ©ologiques prĂ©ventives (INRAP), Ă©tablissement public administratif, le soin de rĂ©aliser des fouilles d’archĂ©ologies prĂ©ventives sur un site. Un candidat Ă©vincĂ©, sociĂ©tĂ© de droit privĂ©, conteste cette attribution. La Cour Ă©lĂšve le conflit.

PrĂ©cision utile : en matiĂšre de fouille archĂ©ologique, lorsque aucun autre opĂ©rateur ne s’est portĂ© candidat ou ne remplit les conditions pour rĂ©aliser les fouilles, l’INRAP est tenu d’y procĂ©der Ă  la demande de la personne projetant d’exĂ©cuter les travaux.

Piqure de rappel : qu’est-ce qu’une clause exorbitante ? 💉

Les cas oĂč le juge est saisi d’une clause exorbitante sont rares, mais impliquent souvent des commentaires.

Pour rappel, pour qualifier un contrat administratif, le juge recherche en prioritĂ© l’exĂ©cution mĂȘme d’un service public (CE, 20 avril 1956, Epoux Bertin : n°98637 ; CE, 1er octobre 2013, sociĂ©tĂ© Espace Habitat Construction : n°349099) .

La recherche d’une clause exorbitante doit intervenir ensuite, en l’absence de mission de service public.

La clause doit ainsi, soit conférer des prérogatives ou avantages exorbitants, soit imposer à son cocontractant des obligations ou des sujétions exorbitantes.

La Cour administrative d’appel de Lyon en avait donnĂ© un exemple intĂ©ressant dans un arrĂȘt impliquant l’INSA et un bailleur social.

« Service public » takes it all đŸŽ€

Revenons Ă  notre SPLA, Ă  l’INRAP et Ă  la subtilitĂ© du dossier. Ici, le commanditaire des travaux Ă©tait la SPLA, soumise (Ă  l’Ă©poque) Ă  l’ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005. Le prestataire Ă©tait lui une personne publique.

Dans cette configuration curieuse et particuliĂšre, le Tribunal des Conflits juge :

Si un contrat passĂ© entre une personne publique et une personne privĂ©e qui comporte une clause qui, notamment par les prĂ©rogatives reconnues Ă  la personne publique contractante dans l’exĂ©cution du contrat, implique, dans l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, qu’il relĂšve du rĂ©gime exorbitant des contrats administratifs, est un contrat administratif, la circonstance que le contrat litigieux, passĂ© entre la SPLA Pays d’Aix territoires et l’INRAP, comporte des clauses confĂ©rant Ă  la SPLA des prĂ©rogatives particuliĂšres, notamment le pouvoir de rĂ©silier unilatĂ©ralement le contrat pour motif d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, n’est pas de nature Ă  faire regarder ce contrat comme administratif, dĂšs lors que les prĂ©rogatives en cause sont reconnues Ă  la personne privĂ©e contractante et non Ă  la personne publique.

Le pouvoir de rĂ©siliation Ă©tait dĂ©tenu par la SPLA, personne morale de droit privĂ©. Cette clause ne peut donc ĂȘtre Ă©rigĂ©e en clause exorbitante, selon le Tribunal des Conflits.

Une telle position consacre lĂ  un recul du champ d’application de la clause exorbitante pour emporter la qualification administrative du contrat.

Rappel : la recherche d’une clause exorbitante doit intervenir dans un second temps, en l’absence de mission de service public.

C’est ce Ă  quoi s’emploie ensuite la juridiction des Conflits en ajoutant :

Toutefois, il rĂ©sulte des dispositions prĂ©cĂ©demment citĂ©es que le lĂ©gislateur a entendu crĂ©er un service public de l’archĂ©ologie prĂ©ventive et a notamment, dans ce cadre, chargĂ© l’INRAP de rĂ©aliser des diagnostics d’archĂ©ologie prĂ©ventive et d’effectuer, dans les conditions prĂ©vues par le code du patrimoine, des fouilles. Il suit de lĂ  que le contrat par lequel la personne projetant d’exĂ©cuter les travaux qui ont donnĂ© lieu Ă  la prescription, par l’Etat, de rĂ©aliser des fouilles d’archĂ©ologie prĂ©ventive confie Ă  l’INRAP, Ă©tablissement public, le soin de rĂ©aliser ces opĂ©rations de fouilles a pour objet l’exĂ©cution mĂȘme de la mission de service public de l’archĂ©ologie prĂ©ventive et que ces opĂ©rations de fouilles, dĂšs lors qu’elles sont effectuĂ©es par cet Ă©tablissement public dans le cadre de cette mission de service public, prĂ©sentent le caractĂšre de travaux publics.

Le litige relĂšve donc bien de la juridiction administrative. Mais l’on constate surtout que si l’effort de dĂ©finition de la clause exorbitante prĂ©sente un intĂ©rĂȘt doctrinal certain, l’intĂ©rĂȘt pratique est moindre, le service public primant pour emporter la qualification administrative du contrat.

La clause exorbitante est donc un outil contractuel aux effets (souvent) limités.


TC, 2 novembre 2020, société Eveha : n°C4196.