Par un arrêt du 18 janvier 2018, la Cour administrative de Douai rappelle la distinction entre le délai encadrant la demande de nullité du contrat de celui enserrant la demande d’indemnisation d’une éviction illégale.

Sous réserve d’une demande préalable indemnitaire présentée en bonne et due forme, la demande peut donc être formée dans le délai de la prescription quadriennale : tout vient à point à celui qui sait attendre.

Une commune souhaite conclure un contrat de délégation de service public visant la production et la distribution de chaleur.

Le juge des référés annule la procédure et la commune est contrainte de relancer une nouvelle consultation.

Le contrat est finalement attribuée un candidat différent.

Une nouvelle contestation naît et est couronnée de succès sur le terrain de la nullité du contrat mais pas celui de la demande indemnitaire.

La société évincée sollicite donc à nouveau la condamnation de la commune devant les juridictions administratives, près de 4 ans après la signature du contrat.

On lui oppose la tardiveté de sa requête.

La Cour souligne toutefois que :

en vue d’obtenir réparation de ses droits lésés, le concurrent évincé a ainsi la possibilité de présenter devant le juge du contrat des conclusions indemnitaires, à titre accessoire ou complémentaire à ses conclusions à fin de résiliation ou d’annulation du contrat. Il peut également engager un recours de pleine juridiction distinct, tendant exclusivement à une indemnisation du préjudice subi à raison de l’illégalité de la conclusion du contrat dont il a été évincé ; Considérant que, dans les deux cas, la présentation de conclusions indemnitaires par le concurrent évincé n’est pas soumise au délai de deux mois suivant l’accomplissement des mesures de publicité du contrat, applicable aux seules conclusions tendant à sa résiliation ou à son annulation

La Cour met ensuite en regard les principes et les faits :

ainsi qu’il a été dit au point 1, la société Coriance a obtenu l’annulation du contrat de concession de service public qui avait été conclu par la ville d’Evreux avec la société Dalkia ; qu’elle a ultérieurement déposé une demande indemnitaire complémentaire ; qu’il est constant que cette demande a fait l’objet d’une décision préalable de rejet de la part de la commune qui lui a été notifiée le 19 mars 2014 ; que la demande indemnitaire a été ensuite enregistrée devant le tribunal administratif de Rouen le 20 mai 2014, soit dans le délai de recours contentieux de droit commun ; que, les règles rappelées aux points 3 à 7 n’ayant pas été méconnues par la société Coriance, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté opposée à sa demande de première instance par la ville d’Evreux doit être écartée

Lorsqu’on sait qu’en présence de chances sérieuses d’emporter le contrat, c’est le manque à gagner

qui est indemnisé, la recherche de la nullité dudit contrat peut parfois paraitre accessoire.


CAA Douai, 18 janvier 2018, société Coriance : n°16DA00206