Pas de mise en concurrence sur le domaine privé : par une décision du 2 décembre 2022, le Conseil d’État confirme que les titres d’occupation du domaine privé sont dispensés d’une procédure de mise en concurrence préalable obligatoire.
Sur fond de bail emphytéotique portant sur les murs et dépendances de l’hôtel du Palais à Biarritz, croyant avoir trouvé le bon filon, les requérants (bons, brutes ou truands ?) demandaient l’annulation des délibérations approuvant l’occupation du domaine privé.
Si l’on sait que l’occupation du domaine public doit faire l’objet d’une mesure de publicité préalable (article L. 2122-1-1 du Code général de la propriété des personnes publiques) et obéit à un régime particulier en matière d’expulsion, de constitution d’un fonds de commerce ou encore d’affectation en conformité avec sa destination, le domaine privé ne subit pas un tel sort.
Les Cours administratives d’appel s’en tenant à une lecture littérale du texte, le domaine privé restait exclu d’une telle mesure préalable (CAA Versailles, 21 juin 2011, commune Verrières-le-Buisson : n° 10VE00770 ; CAA Nancy, 26 novembre 2009, Communautés de communes de la station des Rousses : n° 09NC00188 ; CAA Paris, 4e ch., 4 juill. 2017 : n° 15PA02283 pour quelques exemples).
Mais les cow-boys du Gouvernement, amateurs de Western spaghetti, tentaient de maintenir l’ordre : il existe bien une obligation de publicité et de mise en concurrence des titres d’occupation du domaine privé, selon eux (Rép. min. publiée dans le JO Sénat du 10/09/2020 – page 4096 ; Rép. min. publiée dans le JO Sénat du 12/11/2020 – page 5285 ; Rép. min. publiée dans le JO Sénat du 30/01/2020 – page 537 ; Rép. min. publiée dans le JOAN du 29/01/2019 – page 861).
Désaveu et son de trompette : la cavalerie remet l’église le ranch au milieu du village pueblo et le Conseil d’État de juger :
ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne par son arrêt du 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl (C-458/14 et C-67/15), il ne résulte ni des termes de cette directive ni de la jurisprudence de la Cour de justice que de telles obligations s’appliqueraient aux personnes publiques préalablement à la conclusion de baux portant sur des biens appartenant à leur domaine privé, qui ne constituent pas une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice au sens du 6) de l’article 4 de cette même directive. Il suit de là qu’en n’imposant pas d’obligations de publicité et mise en concurrence à cette catégorie d’actes, l’Etat ne saurait être regardé comme n’ayant pas pris les mesures de transposition nécessaires de l’article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006. Par suite, en écartant comme inopérant le moyen tiré de ce que la conclusion du bail en litige méconnaîtrait cette directive, la cour administrative d’appel de Bordeaux, qui n’a pas inexactement qualifié les faits de l’espèce, n’a pas commis d’erreur de droit.
Interprétant dans un sens contraire au Gouvernement la décision de la CJUE, le Conseil d’État (AKA « unioniste faisant corps avec les juridictions du fond ») libère les contrats d’occupation du domaine privé en ne les soumettant pas à une mesure de sélection préalable. On pensera naturellement aux baux commerciaux, professionnels, emphytéotiques, ruraux notamment.
Et pour quelques dollars de plus… une procédure facultative reste toujours possible afin de susciter l’émulation entre prétendants à l’occupation du domaine privé !
CE, 7-2 chr, 2 décembre 2022, M. D c. Commune de Biarritz et Société Socomix : n° 460100 (publié au recueil Lebon)
CJUE, Cour, 25 févr. 2016, Promoimpresa Srl et Mario Melis e.a : C-458/14.