Par une dĂ©cision du 19 avril 2022, le Conseil d’État rejette la demande d’abrogation des dispositions rĂ©glementaires du Code de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure autorisant des mineurs de 16 ans Ă  ĂȘtre pompiers volontaires.

Ni le principe de protection de l’intĂ©rĂȘt supĂ©rieur de l’enfant participant Ă  des missions potentiellement dangereuses, ni le droit communautaire et international ne font obstacles Ă  cet engagement avant 18 ans.

Il est ainsi jugé :

En vertu des dispositions du code de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure […], l’engagement de mineurs ĂągĂ©s de plus de seize ans comme sapeurs-pompiers volontaires, susceptibles d’exercer les mĂȘmes missions, potentiellement dangereuses, que les sapeurs-pompiers volontaires majeurs, repose sur le volontariat et le bĂ©nĂ©volat et nĂ©cessite, outre le choix volontaire du mineur, le consentement Ă©crit de son reprĂ©sentant lĂ©gal. Cet engagement est subordonnĂ© Ă  des conditions d’aptitude physique et mĂ©dicale, certifiĂ©e par un mĂ©decin aprĂšs examen de l’intĂ©ressĂ©. Il rĂ©sulte en outre des dispositions contestĂ©es de l’article R. 723-10 que les sapeurs-pompiers volontaires mineurs doivent ĂȘtre encadrĂ©s en permanence, dans le cadre de leur participation Ă  une opĂ©ration d’incendie ou de secours, par un sapeur-pompier expĂ©rimentĂ©. Les intĂ©ressĂ©s bĂ©nĂ©ficient aussi, avant toute participation Ă  une activitĂ© opĂ©rationnelle, d’une formation adaptĂ©e dispensĂ©e tout au long d’une pĂ©riode probatoire qui ne peut ĂȘtre infĂ©rieure Ă  un an et leur engagement opĂ©rationnel se fait de maniĂšre progressive au fur et Ă  mesure de l’acquisition des compĂ©tences indispensables Ă  leur sĂ©curitĂ©. Ainsi, la participation des sapeurs-pompiers volontaires mineurs Ă  des activitĂ©s de lutte contre l’incendie ou de secours, potentiellement dangereuses, est assortie de garanties pour assurer leur sĂ©curitĂ© et prĂ©server leur santĂ©. Dans ces conditions, eu Ă©gard Ă  ce que prĂ©voient les articles R. 723-6 et R. 723-10 du code de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure, contestĂ©s par la requĂȘte, et eu Ă©gard au contenu et Ă  la portĂ©e des autres dispositions lĂ©gislatives et rĂ©glementaires applicables, les articles rĂ©glementaires critiquĂ©s ne peuvent ĂȘtre regardĂ©s comme portant atteinte Ă  l’exigence constitutionnelle de protection de l’intĂ©rĂȘt supĂ©rieur de l’enfant. Le moyen tirĂ© de la mĂ©connaissance de cette exigence constitutionnelle doit, par suite, ĂȘtre Ă©cartĂ©.

Le juge vĂ©rifie ici l’existence de garanties particuliĂšres propres Ă  la qualitĂ© de mineur (et ne bĂ©nĂ©ficiant pas aux pompiers majeurs) pour assurer sa sĂ©curitĂ©. Le caractĂšre volontaire de l’engagement et l’accord des reprĂ©sentants lĂ©gaux sont Ă  ce titre soulignĂ©s.

De mĂȘme est Ă©cartĂ© :

le moyen soulevĂ© par le syndicat requĂ©rant, tirĂ© de la mĂ©connaissance d’un principe gĂ©nĂ©ral qui interdirait l’emploi de personnes de moins de dix-huit ans exposĂ©es Ă  des risques pour leur santĂ©, leur sĂ©curitĂ©, leur moralitĂ© ou Ă  des travaux excĂ©dant leur force.

Autrement dit, le Conseil d’État consacre le rĂ©gime dĂ©rogatoire des sapeurs-pompiers mineurs et volontaires comme exorbitant d’un prĂ©tendu principe d’interdiction du travail des personnes mineurs lorsque leur sĂ©curitĂ© est en jeu (non reconnu ici : faut pas souffler sur les braises).

Au reste, confrontĂ© au droit de l’Union, le rĂ©gime passe l’Ă©preuve (du feu) :

les sapeurs-pompiers volontaires mineurs sont susceptibles d’effectuer des travaux les exposant Ă  certains des risques mentionnĂ©s au paragraphe 2 de l’article 7 de la directive 94/33/CE du 22 juin 1994. Toutefois, ainsi qu’il a Ă©tĂ© dit prĂ©cĂ©demment, ils bĂ©nĂ©ficient, avant toute participation Ă  une activitĂ© opĂ©rationnelle, d’une formation initiale adaptĂ©e aux missions qui leur sont effectivement confiĂ©es. Leur engagement opĂ©rationnel, qui suppose une actualisation continue des compĂ©tences, s’effectue de maniĂšre progressive, en fonction des modules de formation validĂ©s. Un tel apprentissage progressif est indispensable Ă  la formation professionnelle de ces adolescents qui ont choisi de s’engager comme sapeurs-pompiers volontaires, laquelle implique nĂ©cessairement d’acquĂ©rir une expĂ©rience concrĂšte et opĂ©rationnelle, et peut ainsi relever des dĂ©rogations autorisĂ©es par le paragraphe 3 de l’article 7 de la directive 94/33/CE. DĂšs lors que ces sapeurs-pompiers volontaires mineurs sont encadrĂ©s en permanence, dans le cadre de leur participation Ă  une opĂ©ration de lutte contre l’incendie ou de secours, par un sapeur-pompier expĂ©rimentĂ©, qui est une personne compĂ©tente au sens de l’article 7 de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, et que leur engagement, qui est subordonnĂ© Ă  des conditions d’aptitude physique et mĂ©dicale et nĂ©cessite le consentement Ă©crit de leur responsable lĂ©gal, s’effectue dans des conditions visant Ă  garantir leur sĂ©curitĂ© et la protection de leur santĂ©, satisfaisant ainsi aux conditions prĂ©vues par le paragraphe 3 de l’article 7 de la directive 94/33/CE, le pouvoir rĂ©glementaire a pu, sans mĂ©connaĂźtre les objectifs de cette directive, autoriser des mineurs ĂągĂ©s de plus de seize ans Ă  assurer des missions de sapeurs-pompiers volontaires. Par suite, le moyen tirĂ© de ce que les dispositions rĂ©glementaires contestĂ©es du code de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure mĂ©connaĂźtraient les objectifs de l’article 7 de la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 doit ĂȘtre Ă©cartĂ©.

L’entrĂ©e progressive dans l’exĂ©cution opĂ©rationnelle de missions dangereuses et l’exigence de formation prĂ©alable auprĂšs de personnes expĂ©rimentĂ©es ont emportĂ© la conviction des juges.

Bref, le Conseil d’État Ă©teint les vellĂ©itĂ©s du syndicat requĂ©rant d’aligner le rĂ©gime des pompiers mineurs sur le rĂ©gime gĂ©nĂ©ral protecteur des enfants mineurs. Il donne par la mĂȘme occasion un peu de souplesse aux SDIS dans leur politique de recrutement, notamment tendant Ă  impliquer et responsabiliser les jeunes Ă  l’approche de leur majoritĂ©.


CE, 19 avril 2022, syndicat SUD SDIS National : n°451727