Par une décision du 28 février 2023, à l’occasion d’une procédure de référé précontractuel, le Conseil d’État rappelle la nécessité d’écarter tout risque d’impartialité, dès le stade de la sélection de l’assistant à maitrise d’ouvrage.
Petit rappel : le juge des référés précontractuels peut être saisi « en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services » ou en matière de DSP, notamment, selon l’article L. 551-1 du Code de justice administrative.
Déjà consacré comme principe général du droit (CE, 7e / 2e ss-sect. réunies, 14 oct. 2015, n° 390968, Lebon T.), le défaut d’impartialité peut marquer l’existence d’une situation de conflit d’intérêts au cours de la procédure d’attribution du marché qui est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d’entacher la validité du contrat.
Ici, une commune lance une consultation en vue de la passation d’un marché public portant sur l’extension et la maintenance d’un système de vidéo-protection.
La société Sofratel est écartée. Un groupement composé des sociétés Santerne Nord-Picardie Infra et Electricité Industrielle et Transports de Force est retenu. Toutefois, le dirigeant de la société AV Protec, assistante à la maîtrise d’ouvrage de la commune est également le dirigeant de la société CIPEO, éditeur du logiciel » CANOPY 314 « , que l’offre du groupement attributaire désignait comme son fournisseur.
Pour faire simple : l’AMO édite le logiciel utilisé par la société attributaire. 🤔
Le Conseil d’État rappelle tout d’abord le principe et les dispositions en jeu du Code de la commande publique :
Le principe d’impartialité, principe général du droit, s’impose au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative. Sa méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Aux termes de l’article L. 2141-10 du code de la commande publique : » L’acheteur peut exclure de la procédure de passation du marché les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d’intérêts, lorsqu’il ne peut y être remédié par d’autres moyens. / Constitue une telle situation toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d’en influencer l’issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché « .
Et de poursuivre :
il ressort tant de l’ordonnance attaquée que des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société AV Protec a, au titre de sa mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, participé à l’analyse des offres et à leur notation et a été ainsi susceptible d’influencer l’issue de la procédure. Par suite, en jugeant que la participation de la société AV Protec au déroulement de la procédure de passation du marché litigieux n’était pas de nature à compromettre l’impartialité de l’assistant à la maîtrise d’ouvrage ni, par conséquent, la régularité de la procédure de passation, le juge des référés a inexactement qualifié les faits de l’espèce.
Enfin, dans la mesure où « aucune circonstance de nature à faire naître un doute sur le fait que cette société aurait élaboré le règlement de la consultation et les pièces du marché de façon à favoriser l’offre qui indiquerait utiliser le logiciel commercialisé par la société avec laquelle elle partage des intérêts », la procédure est reprise au stade de l’analyse des offres.
Par suite, petit conseil avisé à l’attention des pouvoirs adjudicateurs : bien étudier le pedigree de son AMO avant de l’engager !
Sinon…📹 :
CE, 28 février 2023, Sté Sofratel : n°467455