Par un arrêt rendu le 19 janvier 2024, la Cour administrative d’appel de Nantes retient que la profonde détérioration des relations contractuelles, née d’une perte de confiance entre les parties faisant obstacle à la poursuite du contrat, justifie la mesure de résiliation pour motif d’intérêt général.

Par une convention d’affermage et de location gérance, une communauté de communes confie à une société la gestion d’une base de loisirs. 220 hectares de bois et forêts, 45 hectares de plan d’eau ainsi que des gîtes, un camping, des salles de réception et un restaurant. Mais le cocontractant a du retard, fait des travaux non prévus, ne rend pas des documents à temps… ça se tend.

La résiliation est prononcée pour motif d’intérêt général, puis contestée devant le juge. Saisie en appel, la Cour rappelle le principe issu de Béziers I et II, puis juge :

Il résulte de l’instruction que la société ID Organisation a notamment entrepris des travaux non autorisés par la convention, remettait ses rapports d’activité tardivement et de manière incomplète, n’a pas remis, malgré les demandes de Montfort communauté, un projet global de gestion des loisirs sur le site de Tremelin, que les principaux investissements ont été réalisés et financés par Montfort Communauté, cette dernière reconnaissant que le contrat aurait dû être plus précis sur ce point, que plusieurs activités de loisirs ont été exploitées sans accord, que la prise en charge des frais de surveillance de la baignade dans le lac de Tremelin a donné lieu à des discussions dont le résultat semble n’avoir satisfait aucune des parties, que des retards de paiement des redevances dues par la société ID Organisation ont été constatés, que cette dernière a manifesté le souhait de ne plus s’investir dans les activités de loisirs affermées et a décidé unilatéralement, à compter du 27 mars 2019, de ne plus payer la redevance due au titre du contrat d’affermage. L’ensemble de ces éléments témoignent d’une profonde détérioration des relations contractuelles, née d’une perte de confiance entre les parties faisant obstacle à la poursuite du contrat, et ont justifié par suite la résiliation unilatérale, pour ce motif qui revêt à lui seul un caractère d’intérêt général, de la convention en cause. Par voie de conséquence, les moyens tirés de l’absence de motif d’intérêt général justifiant la résiliation et du détournement de procédure doivent être écartés.

Par une telle formule, la Cour nantaise s’inspire ainsi de son homologue bordelaise qui a proposé la première la formule (CAA Bordeaux, 3e ch. (formation à 3), 11 oct. 2022, n° 21BX02814).

Mais qui dit résiliation pour motif d’intérêt général, dit indemnisation de la perte subie. C’est-à-dire des frais exposés sans contrepartie, ainsi que de son manque à gagner, c’est-à-dire de la perte des bénéfices nets qu’il pouvait légitimement escompter, il lui appartient d’établir la réalité de ce préjudice (CE, 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval : n° 32401).

Au cas présent, le cocontractant de la communauté de communes repart bredouille, ne parvenant à justifier aucun préjudice. Une question de preuve davantage qu’une question de principe, semble-t-il, à lire la décision…

Au demeurant, les nombreux manquements reprochés à la communauté de communes l’auraient vraisemblablement autorisé à résilier le contrat pour faute, s’évitant, peut-être, de devoir discuter les préjudices allégués.


CAA Nantes, 4e ch., 19 janv. 2024, n° 22NT02651.