Par une dĂ©cision du 9 mai 2025, le Conseil d’État rappelle la compĂ©tence du juge judiciaire en matière d’infraction conduite sur la voirie communale.
Doublement déçue en première instance et en appel, une SCI demandait l’annulation de l’arrĂŞtĂ© du maire de Montfuron les mettant en demeure de libĂ©rer une voie publique. En cause : l’obstruction d’une voie communale dite « Chemin de MĂ©riton », incorporĂ©e au domaine public communal, par la pose de merlons de bĂ©ton et de barrières interrompant la circulation sur une longueur de 300 mètres Ă l’endroit oĂą cette voie traverse sa propriĂ©tĂ©.

Il fallait y penser…
L’on sait qu’aux termes de l’article L. 116-1 du Code de la voirie routière : « La rĂ©pression des infractions Ă la police de la conservation du domaine public routier est poursuivie devant la juridiction judiciaire sous rĂ©serve des questions prĂ©judicielles relevant de la compĂ©tence de la juridiction administrative ».
Le juge judiciaire est ainsi compétent en matière de contravention, sauf quelques exceptions de niche :
- T. confl., 20 févr. 2006, n° 3488, Publié au bulletin : l’action introduite par une commune qui recherche la responsabilité d’un département en raison du dommage causé à une voie communale du fait des mauvaises conditions de réalisation de travaux d’enfouissement
juge administratif ;
- T. confl., 24 avr. 2006, n° 3493, Publié au bulletin : l’action introduite pour contester les titres émis par une collectivité ayant pour objet la réparation d’un préjudice que cette dernière impute à cette entreprise à la suite de travaux publics exécutés sans qu’aucune contravention à la police de la conservation du domaine soit constituée
juge administratif ;
- CE 17 janv. 2011, n° 312310, Lebon : l’action tendant Ă l’annulation du refus opposĂ© Ă la demande de mise en Ĺ“uvre du pouvoir de police de la conservation du domaine public routier
juge administratif.
Aussi, tandis que le Tribunal des conflits cantonne l’attribution de compĂ©tence au juge judiciaire qu’au cas dans lesquels une contravention Ă la police de la conservation du domaine public routier est constituĂ©, que cette contravention ait Ă©tĂ© poursuivie ou non (T. confl., 24 avr. 2006, n° 3493, PubliĂ© au bulletin, prĂ©c), la question de la compĂ©tence juridictionnelle pouvait ĂŞtre posĂ©e. En effet, le juge Ă©tait saisie non pas spĂ©cifiquement d’une infraction qualifiĂ©e comme telle, mais d’une mise en demeure prĂ©alable – pouvant laisser place Ă une discussion sur la qualification de l’infraction – avant procès-verbal, prise sur le fondement de l’article L. 2212-12 du code gĂ©nĂ©ral des collectivitĂ©s territoriales.
Le Conseil d’État rappelle ainsi que :
la contestation de l’arrêté du 16 janvier 2020 par lequel le maire de Montfuron a mis en demeure MM. B et C A, représentant la société A, de libérer la voie communale n°6 en procédant dans un délai de huit jours à l’enlèvement, la destruction et le nettoyage de tous les obstacles qu’ils y avaient illégalement installés et les a informés qu’à défaut d’exécution, un procès-verbal de contravention de voirie serait dressé et transmis au procureur de la République conformément aux dispositions de l’article L. 116-3 du code de la voirie routière, ressortit à la compétence de l’ordre judiciaire. Dès lors, le jugement du 20 juin 2022 du tribunal administratif de Marseille doit être annulé et la demande de M. A et de la société A rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Vigilance donc : domaine public ne rime pas toujours avec juge administratif, tandis que le juge judiciaire dispose de pouvoirs propres et Ă©largis : arrĂŞt de travaux, expulsion, injonction de remise en Ă©tat ou d’exĂ©cution de travaux, sous astreinte, notamment.
CE, 8e et 3e ch. réunies, 9 mai 2025, n° 489587, Lebon T.