Par un arrêt du 16 janvier 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon a de nouveau douché les espoirs d’un candidat sortant à l’occupation du domaine public : pas de perte de propriété commerciale, pas d’indemnité d’éviction, pas de remboursement d’un droit d’entrée.
L’on sait que l’article L. 2124-32-1 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose depuis la loi du 18 juin 2014 qu’ « un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre « . Ce texte n’est applicable qu’aux contrats d’occupation qui lui sont postérieurs (CE, 8e – 3e ss-sect. réunies, 24 nov. 2014 : n° 352402, Lebon). En outre, le fonds de commerce doit ici être distingué du bail commercial, lequel demeure interdit sur le domaine public compte du caractère précaire et révocable de l’occupation (CE, 8e ch, 27 déc. 2021, n° 452381). Enfin, il n’est pas possible d’écarter la possibilité de constituer un fonds de commerce dans un contrat d’occupation domaniale (CE, 11 mars 2022, M. B. c. commune de Cap-d’Ail, n° 453440).
L’on sait également que » Lorsque l’autorité gestionnaire du domaine public conclut un « bail commercial » pour l’exploitation d’un bien sur le domaine public ou laisse croire à l’exploitant de ce bien qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité » (CE, 8e – 3e ss-sect. réunies, 24 nov. 2014, société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais : n° 352402, Lebon.) Dans ce cadre, l’exploitant » peut eut alors prétendre, sous réserve, le cas échéant, de ses propres fautes, à être indemnisé de l’ensemble des dépenses dont il justifie qu’elles n’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domaine public en l’induisant en erreur sur l’étendue de ses droits ».
L’on sait enfin le non-renouvellement d’une convention d’occupation temporaire du domaine public ne donne pas droit à indemnisation (CE, 4 / 1 ss-sect. réunies, 1er avr. 1992, n° 80105).
En des termes différents, mais avec la même portée, la Cour de Lyon conclut au même constat : le commerçant occupant le domaine public est plutôt mal loti et rate souvent sa cible en saisissant le juge administratif. Au cas présent, autorisé à exploiter depuis 2007 un bar-restaurant au bord du lac du Bourget, un titulaire est évincé après une procédure de publicité et de mise en concurrence visant un – curieux – » droit au bail « . Un « bail commercial » est alors conclu. La suite est à couteau tiré.
Tout en rappelant fort logiquement que le contrat « ne constituait pas un bail commercial, mais une convention d’occupation du domaine public« , la Cour juge et confirme un jugement du Tribunal administratif de Grenoble :
en l’absence de toute illégalité fautive de la délibération litigieuse et dès lors que la convention d’occupation domaniale dont elle bénéficiait ne constituait pas un bail commercial, ne lui conférait aucun droit à son renouvellement et avait pris fin comme indiqué au point 3, la société P2L n’est, en tout état de cause, pas fondée à demander réparation des préjudices résultant de la perte d’une prétendue propriété commerciale, en application de l’article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques. Par ailleurs, et contrairement à ce qu’elle prétend, la perception d’un droit d’entrée par la commune de Tresserve ayant pour cause le bail à conclure, la société P2L ne peut se prévaloir d’aucun enrichissement sans cause de la commune lui ouvrant droit à indemnité.
En somme, et sans s’éloigner de la ligne jurisprudentielle claire et intangible, la Cour en fait une synthèse concrète et bienvenue. Le candidat sortant ne peut revendiquer ni perte de propriété commerciale, ni restitution du droit d’entrée, ni indemnité d’éviction.
En creux, la Cour souligne que la question de la transmission d’un éventuel ou hypothétique fonds de commerce au lauréat ne saurait concerner le juge administratif : il appartient alors à l’occupant évincé de faire valoir ses droits à l’égard du nouvel occupant, au besoin devant la juridiction commerciale. De l’importance de viser juste, caramba !
CAA Lyon, 4e ch. – formation à 3, 16 janv. 2025, n° 23LY02298