Par un arrêt du 9 mars 2018, le Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles un contrat de délégation de service public peut être modifié par avenant.

Point
question de faire évoluer de façon substantielle l’équilibre économique du contrat, sur fond de modification des conditions tarifaires de l’accès au Mont-Saint-Michel.

Ce ne sont pas moins de cinq avenants qui ont été signés entre le comité syndical du syndicat mixte de la baie du Mont-Saint-Michel et la société Veolia Transport -devenue la compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel, belle promotion-.

Le cinquième avenant a pour objet de réduire le trajet à pied, faciliter l’accès au site, modifier le point d’embarquement des voyageurs empruntant les navettes, réviser la grille tarifaire et modifier le service de navettes.

La juridiction administrative est saisie.

L’avenant est annulé et l’affaire parvient au Conseil d’État.

La juridiction introduit, sauf erreur, un considérant de principe inédit :

les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique ; que, pour assurer le respect de ces principes, les parties à une convention de délégation de service public ne peuvent, par simple avenant, apporter des modifications substantielles au contrat en introduisant des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient pu conduire à admettre d’autres candidats ou à retenir une autre offre que celle de l’attributaire ; qu’ils ne peuvent notamment ni modifier l’objet de la délégation ni faire évoluer de façon substantielle l’équilibre économique du contrat, tel qu’il résulte de ses éléments essentiels, comme la durée, le volume des investissements ou les tarifs

Évaluant le raisonnement de la Cour, la juridiction poursuit :

la cour a relevé, par une appréciation souveraine des faits qui n’est entachée d’aucune dénaturation, que l’avenant n° 5 au contrat litigieux prévoyait des hausses de tarifs comprises entre 31 et 48 %, qui se traduiraient par une augmentation de plus d’un tiers des recettes et qui allaient très au-delà de la compensation des  augmentations de charges liées aux modifications des obligations du délégataire convenues par ailleurs ; qu’en en déduisant qu’une modification substantielle était ainsi apportée au contrat, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n’a, contrairement à ce que soutient la compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel, ni omis de répondre à son moyen d’appel tiré de ce que la hausse des tarifs était destinée à compenser les investissements nouveaux et les charges d’exploitation résultant du changement de point de départ des navettes, non compensés par le versement d’une subvention d’exploitation, ni méconnu le droit du délégataire à la compensation des nouvelles sujétions de service public, ni apprécié de manière “ purement arithmétique ” la modification introduite par l’avenant n° 5, ni commis d’erreur de droit

L’avenant est bel et bien annulé.

L’on notera que le Conseil d’État reprend l’esprit de l’article 36 du décret n°2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession, sans pour autant y faire référence.


CE, 9 mars 2018, la compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel :n°409972