Par une décision du 14 octobre 2015, le Conseil d’Etat affine sa position sur la cession d’un terrain à un tiers pour un prix inférieur à sa valeur.

Il dresse une méthode d’analyse pour apprécier la réalité des contreparties suffisantes et les motifs d’intérêt général.

  • Acte 1 : 1997 Le principe

La cession d’un terrain à une entreprise pour un prix inférieur à sa valeur ne méconnaît pas forcément le principe selon lequel une personne publique ne peut pas céder un
élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur de marché, lorsque la cession est justifiée par des motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes.

  • Acte 2 : 2009 La grille de lecture

Le Conseil d’Etat donne une grille d’analyse pour apprécier les notions de contreparties suffisantes et les motifs d’intérêt général.

Conditions ici remplies avec : une meilleure insertion d’habitants d’origine étrangère au sein de la commune, l’amélioration des conditions de circulation en centre-ville, respect de l’objet statutaire de l’association acquéreuse tendant à favoriser l’intégration de la population d’origine turque.

  • Acte 3 : 2015 La méthode d’analyse

Le Conseil d’Etat dresse une méthode d’analyse théorique pour apprécier les notions de contreparties suffisantes et les motifs d’intérêt général.

Ainsi, il appartient au juge :

d’identifier, au vu des éléments qui lui sont fournis, les contreparties que comporte la cession, c’est-à-dire les avantages que, eu égard à l’ensemble des intérêts publics dont la collectivité cédante a la charge, elle est susceptible de lui procurer, et de s’assurer, en tenant compte de la nature des contreparties et, le cas échéant, des obligations mises à la charge des cessionnaires, de leur effectivité ; […] il doit, enfin, par une appréciation souveraine, estimer si ces contreparties sont suffisantes pour justifier la différence entre le prix de vente et la valeur du bien cédé

Au cas présent, la commune de Châtillon-sur-Seine a cédé des parcelles irrégulièrement occupées afin de permettre l’accueil de Gens du voyage.

La Cour administrative d’appel avait relevé que la cession était justifiée par un motif d’intérêt général, à savoir le logement décent des Gens du voyage.

Rien à dire sur ce motif.

En revanche, la Cour estimait que les avantages en matière d’hygiène et de sécurité publiques, la possibilité d’économiser le coût d’aménagement d’une aire d’accueil et les coûts d’entretien de terrains irrégulièrement occupés n’étaient pas des contreparties suffisantes.

La Cour avait bien relevé une contrepartie -pendant 10 ans, la parcelle ne pouvait être vendue qu’à son prix initial-, mais celle-ci était insuffisante à ses yeux.

Le Conseil d’Etat ne l’entend pas de cette oreille.

Ce sont bien l’ensemble des intérêts publics dont la collectivité cédante a la charge qui doivent être pris en compte.

Ce troisième étage de la fusée “cession à vil prix” apporte-t-il davantage de sécurité juridique aux collectivités locales ?

Certainement par son approche qualitative et non seulement quantitative des contreparties dont bénéficie les collectivités dans ce type de transaction.

Moins certainement eu égard à la lourdeur que peut, in fine, représenter ce type de transaction (motivation des actes préparatoires, justification de la vente, contrôle de l’acquéreur, etc.).


CE, 14 octobre 2015, commune de Châtillon-sur-Seine : n°375577

CE, 25 novembre 2009, commune de Mer : n°310208

CE, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles : n°169473