Le dĂ©sir de paillettes (et de moulures au plafond) n’a parfois pas de limite. Par une dĂ©cision du 7 dĂ©cembre 2022, la Cour de cassation redessine les contours du dĂ©lit de concussion, souvent mal connu des acteurs de la vie locale.
Ce dĂ©lit est dĂ©fini Ă l’article 432-10 du Code pĂ©nal qui dispose :
Le fait, par une personne dĂ©positaire de l’autoritĂ© publique ou chargĂ©e d’une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir Ă titre de droits ou contributions, impĂ´ts ou taxes publics, une somme qu’elle sait ne pas ĂŞtre due, ou excĂ©der ce qui est dĂ», est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut ĂŞtre portĂ© au double du produit tirĂ© de l’infraction.
Est puni des mĂŞmes peines le fait, par les mĂŞmes personnes, d’accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonĂ©ration ou franchise des droits, contributions, impĂ´ts ou taxes publics en violation des textes lĂ©gaux ou rĂ©glementaires.
La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines.
L’Ă©lĂ©ment moral est ici nettement caractĂ©risĂ© : le fait de savoir que la somme d’argent n’est pas due ou qu’elle excède un seuil fixĂ© par un texte qualifie l’infraction.
Dès lors, quel sort pĂ©nal rĂ©server Ă un Ă©lu rĂ©gional percevant des sommes excĂ©dant le montant plafonnĂ© des rĂ©munĂ©rations et indemnitĂ©s de fonction des Ă©lus prĂ©vu par le code gĂ©nĂ©ral des collectivitĂ©s territoriales alors que, titulaire d’autres mandats, il perçoit Ă©galement une rĂ©munĂ©ration Ă titre de PDG d’une SEM, fonction qu’il occupe en tant que prĂ©sident du conseil d’administration et dans laquelle il siège en qualitĂ© d’Ă©lu de la RĂ©gion ?
La condamnation. La Cour de cassation suit ainsi la position de la Cour d’appel en ces termes :
Les juges soulignent que M. [U] avait suffisamment d’expérience en tant qu’élu local pour considérer qu’il a agi sciemment. Qu’il ne pouvait, en effet, ignorer que l’exercice de la direction générale de la société [1] était attaché, de par les conditions de sa désignation en tant qu’élu de la Région au sein d’une structure majoritairement détenue par celle-ci et abondée par des fonds publics, à l’exercice de sa fonction de président de la société et qu’il aurait dû a minima s’interroger, en sa qualité de dépositaire de l’autorité publique, sur le cumul des rémunérations, ne pouvant valablement s’exonérer par l’absence d’alertes préalables émanant des services administratifs du conseil régional.
Les juges concluent qu’en omettant de déclarer des rémunérations qu’il savait excéder ce qui lui était dû en sa qualité d’élu, M. [U] s’est rendu coupable du délit de concussion.
En se déterminant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision et n’a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
La circonstance que la SEM, structure majoritairement dĂ©tenue par la collectivitĂ© locale soit abondĂ©e par des fonds publics, suffit Ă qualifier l’infraction. Vigilance donc aux Ă©lus dont les mandats sont protĂ©iformes et s’incarnent par des missions (rĂ©munĂ©rĂ©es) dans des structures parapubliques (SEM, SPL, SEMOP, notamment). Ce sera paillettes seules, sans moulure.
Cass. crim., 7 décembre 2022 : n° 21-83.354, Publié au bulletin.