Par une décision du 11 mai 2022, le Conseil d’État rappelle le principe du remboursement à l’État des frais pour assurer le service d’ordre d’un événement privé. Et de manière inédite, ce même sans convention prévue par les textes.
L’association Moto-Club de Nevers et de la Nièvre organise les championnats du monde de moto sur le circuit de Magny-Cours. Un service d’ordre particulier est mis en œuvre, sans convention signée. Coût de la prestation : 3718,15 euros. Un titre de recettes est émis. Le Conseil d’État est saisi.
Ce dernier rappelle l’article L. 211-11 du Code de la sécurité intérieure :
Les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d’y assurer un service d’ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie.
Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d’ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l’ordre sont tenues de rembourser à l’Etat les dépenses supplémentaires qu’il a supportées dans leur intérêt.
Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application du présent article.
Puis la juridiction évoque le décret (n°97-199 du 5 mars 1997 relatif au remboursement de certaines dépenses supportées par les forces de police et de gendarmerie), appliquant ces dernières dispositions. Le texte prévoit ainsi la signature d’une convention encadrant les relations entre l’organisateur privé et les forces de l’ordre.
Le Conseil d’État en tire les principes suivants :
Si ces dispositions prévoient que, lorsque l’organisateur d’une manifestation décide d’avoir recours aux forces de police ou de gendarmerie pour assurer un service d’ordre, les modalités d’exécution techniques et financières de ce concours sont déterminées par convention, elles ne font pas obstacle à ce qu’en l’absence d’une telle convention, des prestations de service d’ordre exécutées en raison des nécessités du maintien de l’ordre public par les forces de police et de gendarmerie qui sont directement imputables à l’événement et qui vont au-delà des besoins normaux de sécurité auxquels la collectivité est tenue de pourvoir soient, en application des dispositions législatives citées au point précédent, mises à la charge de l’organisateur de la manifestation.
L’on savait déjà qu’en présence d’une convention, il était déjà délicat de se soustraire à ses obligations en la matière (voir par exemple : CE, 6 / 2 ss-sect. réunies, 19 février 1988 : n° 49338 49809, Lebon).
Ici, et même sans convention, il peut être mis à la charge de l’organisateur d’une manifestation privée les frais de maintien de l’ordre excédant les besoins normaux de sécurité.
Bref, sans surprise, le Conseil d’État poursuit :
en jugeant que ni l’absence de caractère lucratif de la manifestation organisée par l’association Moto-club de Nevers et de la Nièvre ni l’absence de signature, par cette association, de la convention qui lui avait été proposée par le préfet de la Nièvre, ne faisaient obstacle à ce que soient mis à sa charge les frais occasionnés par les missions de service d’ordre exécutées par les forces de gendarmerie à l’occasion de cet événement, directement imputables à celui-ci et excédant les obligations normales incombant à la puissance publique, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit
L’organisateur d’une manifestation privée qui requiert le concours de la force publique doit donc s’attendre à contribuer – a priori, modestement, et en tout cas, pour un montant inférieur à celui d’un pourvoi – aux frais de maintien de l’ordre.
CE, 11 mai 2022, association Moto-Club de Nevers et de la Nièvre : n° 449370