Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, d’autres sont Maire sans le vouloir. Par une décision du 18 novembre 2024, le Conseil d’État admet au visa de l’article L. 2122-7 du Code général des collectivités territoriales que rien n’oblige un conseiller à se déclarer candidat pour être élu.
lors d’une élection de Maire (délégué), une seule candidature est présentée. Lors des premier et deuxième tours, le candidat obtient le même nombre de voix qu’un élu non déclaré candidat. Au troisième tour, Le candidat déclaré obtient quatorze voix, tandis que le non-candidat en reçoit treize. Cependant, le bureau de vote a décidé d’exclure les suffrages pour ce dernier, qui avait déclaré ne pas être candidat, ce qui a conduit le conseil municipal à proclamer le seul candidat désigné élu. Après recours du préfet, le Tribunal administratif de Nantes a annulé ces élections et a proclamé le candidat malgré lui élu maire délégué.
La politique, cet imprévu
Pour rappel, l’article L. 2122-7 du Code général des collectivités territoriales dispose :
Le maire est élu au scrutin secret et à la majorité absolue.
Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l’élection a lieu à la majorité relative.
En cas d’égalité de suffrages, le plus âgé est déclaré élu.
Saisi, le Conseil d’État confirme la décision des premiers juges et précise, par le prisme de la motivation du refus de transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité dirigé contre ces dernières dispositions, que :
Ni ces dispositions, ni aucun autre texte ou principe n’imposent à un conseiller municipal de faire acte de candidature pour être élu maire ou maire délégué, ce dont il découle que des suffrages peuvent à chacun des tours de l’élection valablement se porter sur tout membre d’un conseil municipal sans qu’ait d’incidence la circonstance que celui-ci n’a pas déclaré son souhait d’être élu ou, même, a manifesté celui de ne pas l’être.
Le Conseil d’État souligne également que le législateur a voulu donner une large latitude aux conseillers municipaux pour faciliter la désignation des exécutifs en n’exigeant pas la présentation de candidatures pour l’élection du maire au sein du conseil municipal.
La politique et ses échappatoires
Le Conseil d’Etat tempère ainsi la radicalité d’une telle élection et précise que le Maire élu à l’insu de son plein gré peut toujours démissionner (article L. 2122-15 du Code général des collectivités territoriales) ou refuser d’accepter les fonctions auxquelles il vient d’être élu.
Il n’en reste pas moins que le Conseil d’État valide un principe surprenant : des suffrages peuvent valablement se porter sur tout membre du conseil municipal, peu importe que celui-ci ait ou non manifesté son souhait d’être élu.
À l’heure où il est à craindre une crise des vocations pour briguer le poste d’édile, une telle interprétation des textes tient évidemment lieu de palliatif. Le droit ayant horreur du vide, la position du Conseil d’État permet ainsi d’éviter les situations de blocage dans lesquelles aucun candidat ne se présente.
Néanmoins, elle interroge nécessairement la question de la légitimité démocratique d’une telle élection. Un tel scénario n’est pas sans rappeler les épisodes historiques de souverain « malgré eux » (Alexandre II de Russie, Louis Napoléon, etc.), jamais à l’aise à l’exercice du pouvoir…